Eric VialMoral en berneSi on plonge une grenouille dans l'eau froide et qu'on porte très progressivement cette eau à ébullition, alors la grenouille s'engourdit ou s'habitue à la température pour finir ébouillantée.
D’abord on nous avait dit « des casques et des gilets pare-balles uniquement pour se défendre de l’agression ».
Ensuite, on a fourni des armes en expliquant que les blindés seraient une ligne rouge.
Les blindés sont arrivés mais « jamais au grand jamais, de chars ».
Les chars ont été donnés.
« Nous n’irons pas plus loin, les missiles seront une ligne rouge à ne pas franchir ».
Nous avons donné des missiles et même des missiles en uranium appauvri.
« Mais promis juré craché c’est fini, pas d’avions de chasse ! »
Depuis hier, nous savons que nous allons fournir des avions…
Jusqu’à quand tout cela s’arrêtera ? Et après quoi, des hommes ?
Dois-je déjà ressortir mon uniforme d’officier de réserve et commencer à embrasser ma famille devant l’escalade ?
Oserais-je dire, dans le silence actuel des populations qui sont figées par la peur d’être considérées comme traîtres pour un mot de trop, que le contexte actuel me terrorise également, que tout cela me mine, que je n’arrive pas à faire semblant ?
Que dès qu’un sujet sérieux est abordé la grande matrice des réseaux sociaux le place dans les oubliettes des commentaires ; comme si nous devions tous obligatoirement être heureux sans devoir nous poser aucune question sur un avenir angoissant – Big Brother veille sur nous ?
Oui, je suis malheureux de ce qui se passe dans le monde, profondément.
Non décidément, je n’y arrive pas : je n’aime pas la guerre et ses morts.
Oui, je considère que les grands hommes de notre histoire sont ceux qui ont trouvé la paix ; ce ne sont pas des belligérants.
Ce que je veux ?
Que cela s’arrête pour sortir de la casserole avant d’être définitivement… ébouillanté.
Après avoir été le dormeur du val, j’irai me prendre au petit-déjeuner une vieille prune cul sec, un petit trou sur le côté, pour tenter de cicatriser mon cœur qui saigne.
Parfois c’est comme ça… Je me lève le matin et je hais notre monde.