Dimanche soir, dans la 1ère circonscription du Haut-Rhin, Brigitte Klinkert affichait une avance de 4 777 voix sur son rival Yves Hemedinger (Les Républicains). La candidate Ensemble ! n’est pas certaine de l’emporter : tout dépendra des reports de voix, et bien sûr de la participation. Les DNA et l’Alsace ont organisé ce soir à Horbourg-Wihr un débat entre les deux finalistes.
Faut-il une loi pour pénaliser les rodéos urbains ?
Yves Hemedinger dit avoir une proposition de loi déjà prête sur les rodéos et les cortèges de mariage « qui pourrissent la vie de nos concitoyens ». « On vit dans un pays de plus en plus violent. » Selon le député sortant, il existe un « vide juridique » concernant les cortèges avec l'impossibilité de saisir les voitures immatriculées à l'étranger. Il souhaite justement que l'on puisse saisir ces véhicules.
Brigitte Klinkert : « Oui, cela pourrit la vie de nos concitoyens. Il y a une loi d'août 2018 renforcée par une loi de juillet 2021 qui pénalisent les auteurs de rodéo. Ce sont des délits désormais (prison jusqu'à 5 ans et fortes amendes et confiscation des véhicules). Mais il faut aller plus loin en musclant ce dispositif. »
Peut-on forcer l’installation des médecins dans les déserts médicaux ?
Brigitte Klinkert : « Les forcer, non, les inciter fortement, oui. Je propose que les étudiants en médecine puissent, dès la 4e année, effectuer des stages dans les hôpitaux des plus petites communes. Aujourd’hui, tous les internes sont à Strasbourg. J’ai rencontré de nombreux maires qui créent des maisons de santé afin de décharger les médecins des tâches administratives qui les accaparent. »
Yves Hemedinger : « Il faut avant tout accorder plus de moyens aux universités. Les médecins qui partent à la retraite aujourd’hui travaillaient souvent 70 heures par semaine, il faut deux jeunes médecins pour en remplacer un. Je ne crois pas à la coercition, certainement pas. Les médecins croulent sous le travail administratif. La création de pôles médicaux pourrait les soulager, en concertation et en partenariat avec les collectivités locales. »
Faut-il exclure les opérateurs privés de la gestion des EHPAD ?
Brigitte Klinkert : « Lorsque j’étais présidente du Conseil départemental, il y avait dans le Haut-Rhin sept EHPAD dans lesquels je n’aurais pas voulu mettre mes parents. Nous avons voté des financements afin de tous les rénover. Mais le principal problème est le manque criant de personnel, heureusement en partie compensé par le travail de bénévoles présents lors des temps des repas, des visites médiatisées…
Je pense qu’il y a de la place pour le privé. Il y a certes eu Orpea, mais il n’y a pas de problèmes partout. Il faut valoriser et former les personnels. Le gouvernement a prévu la création de 50 000 infirmiers et aides-soignants pour les EHPAD. »
Yves Hemedinger : « Je ne suis pas défavorable au privé, à condition qu’il soit encadré. »
Faut-il revaloriser le salaire des enseignants et à quelle hauteur ?
Yves Hemedinger : « Nous sommes le pays qui a la dépense publique la plus importante sans pour autant obtenir de résultat. Cela est dû à trop de centralisation. Il faut faire confiance aux chefs d’établissement pour constituer leurs équipes, leur accorder davantage d’autonomie. Il faut augmenter les salaires des enseignants, surtout dans les quartiers difficiles. »
Brigitte Klinkert : « Nous sommes le seul pays au monde à avoir réussi à garder les écoles ouvertes, cela mérite une revalorisation du salaire des enseignants. Nous proposerons un « pacte » aux enseignants car leurs missions sont actuellement insuffisamment rémunérées. Augmentation jusqu’à 20% pour ceux qui acceptent des missions supplémentaires et augmentation de 10% pour tous les enseignants. »
Quelles premières mesures pour le pouvoir d'achat ?
Yves Hemedinger : « La réindexation des pensions sur les prix pour les retraités ; la baisse de la CSG sur les salaires ; la défiscalisation totale des heures supplémentaires et le rachat des RTT. »
Brigitte Klinkert : « Le versement des aides à la source, une mesure qui concernera 20 millions de Français ; l'indexation des pensions sur l'inflation et un minimum de 1100 euros net ; le gel des prix du gaz et de l'électricité. »
Pour ou contre la retraite à 65 ans ?
Brigitte Klinkert : « La réponse est claire. Si l'on veut conserver notre système de retraite par répartition, c'est oui. La retraite à 65 ans mais d'ici 10 ans. » B. Klinkert ajoute cependant qu'il faut tenir compte de la pénibilité du travail et des situations de handicap.
Yves Hemedinger : « Les retraités ont été les maltraités du quinquennat d'Emmanuel Macron. Je refuse de prendre en considération l'âge. Mais il faut prendre en compte le nombre d'années de cotisation et la pénibilité. Quand on démarre à 14 ans, il est impensable de travailler jusqu'à 65 ans ! »
Pour ou contre la monoculture du maïs irriguée en plaine d'Alsace ?
Brigitte Klinkert : « Les agriculteurs font beaucoup d'efforts. On a besoin d'une agriculture raisonnée. »
Yves Hemedinger : « Stop à l'agrobashing. Je suis contre la monoculture mais pas contre la culture du maïs qui façonne nos paysages. »
Pour résoudre la crise de l'hôpital, faut-il sortir de la tarification à l'activité ?
Brigitte Klinkert : « Il y a un malaise profond. Je soutiendrai la remise en cause de la tarification. »
Yves Hemedinger : « Il faut casser le système des ARS. Il faut des opérationnels à l'hôpital. »
A-t-on une chance de voir la réouverture la ligne Colmar-Fribourg en 2028 ?
Yves Hemedinger : « Je veux d’abord saluer le travail de l’association Trans-Rhin-rail. Mais ce projet coûtera 280 millions d’euros et nécessitera la construction d’un ou deux ponts sur le Rhin. La CEA a mis 40 millions de côté pour le financer, mais il reste encore 240 millions à trouver. Des études sont en cours, j’attends de voir quelle est la pertinence de cette ligne car il s’agit d’argent public dont nous sommes comptables. Je veux qu’on étudie bien le sujet. L’État n’a pour l’instant pas prévu un seul centime pour ce projet. »
Brigitte Klinkert : « Le projet figure dans le Traité d’Aix-la-Chappelle, ce qui constitue un engagement fort des États français et allemand, quoi qu’on en dise. »
L’avenir institutionnel de l’Alsace
Brigitte Klinkert : « L’Alsace est l’engagement de ma vie. Avec Frédéric Bierry, je me suis battue pour obtenir la Collectivité européenne d’Alsace (CEA), c’est une première étape décisive. Nous sommes le seul territoire à avoir obtenu une loi « Alsace ». La CEA est une assemblée à l’échelle de l’Alsace, avec des compétences nouvelles. Je veux aller plus loin car la région Grand Est est trop grande.
92,5 % des Alsaciens souhaitent la sortie du Grand Est. Dans la Marne, dans les Ardennes, on me dit la même chose : cette grande région manque de cohérence. Je prône la sortie du Grand Est, mais je ne parle pas d’une collectivité à statut particulier. L’Alsace doit être une région ouverte à 360° sur ses voisins, notamment vers les Allemands. Pendant la crise sanitaire, la coopération transfrontalière a sauvé des vies, j’y ai contribué. Je crois beaucoup à la différentialisation, une région peut avoir des compétences différentes. La CEA peut désormais recruter des intervenants pour développer le bilinguisme. »
Yves Hemedinger : « Je suis favorable à une grande loi de décentralisation pour cesser de dilapider l’argent public. J’ai une proposition de loi toute prête qui sera sur le bureau de l’Assemblée nationale dès que je serai élu pour sortir de cette grande Région. »
Le post-Fessenheim
Brigitte Klinkert regrette cette fermeture et dit qu'elle était contre. Elle rappelle que cette décision avait été prise par le président Hollande. « Aujourd'hui, le défi est immense. » Elle annonce « d'ici quelques mois » que plusieurs entreprises s'installeront sur le site de Eco Rhena. Elle parle d'industrie du futur.
Yves Hemedinger relève en effet que F. Hollande a décidé cette fermeture mais E. Macron « l'a fait ». « Pas une seule promesse gouvernementale n'a été respectée ! Pas un centime n'a été versé pour cette reconversion. » Sur ce point, B. Klinkert assure que le gouvernement a versé 40 millions d'euros.
Le député sortant revient sur les deux pistes de reconversion sur lesquelles il travaille : la création d'un pôle pharmaceutique et assure qu'il a « des engagements du gouvernement ». Par ailleurs, il dit « se battre pour l'hydrogène ».
Le point sur le cumul des mandats
Brigitte Klinkert, si vous êtes élue députée, vous serez concernée par la loi sur le cumul (pas plus d’un mandat local en plus de parlementaire) et devrez abandonner un de vos mandats locaux à la région ou à la CEA. Lequel ?
Brigitte Klinkert : « Mon choix est clair, ce sera l’Alsace, c’est pour cela que je soutiendrai le projet de sortie de l’Alsace du Grand Est pour en faire une région à part entière. »
Yves Hemedinger : « Vous voulez collectionner tous les mandats, au Conseil régional, à la CEA… Vous envisagez déjà de ne pas mener votre mandat à terme. Vous pratiquez le zapping et le nomadisme politique. »
Et si on vous propose un poste de ministre ?
Brigitte Klinkert : « Je fais passer l’intérêt des habitants avant toute chose. Je me présente comme députée pour porter la voix de l’Alsace à Paris. Il n’y a qu’une chance sur 100 000 qu’on me le propose. Je ne sais pas, posez la question au président de la République. J’ai un excellent suppléant. »
Yves Hemedinger : « Ce n’est pas clair, quand c’est flou il y a un loup… »
Député libre ?
Brigitte Klinkert confirme que si elle intègre le groupe Ensemble, elle votera les textes portés par son groupe. « Quand vous êtes dans une majorité, c'est juste normal. » Et d'ajouter : « Je me présente pour assurer une stabilité à notre pays et une majorité au président de la République. »
Yves Hemedinger confirme sa liberté de vote. « 37 % des lois que j'ai votées étaient des lois de la majorité. Je vote en fonction non pas d'un groupe mais bien en fonction de ce que me disent les gens que je rencontre sur le terrain. »
Première question sur l'abstention record en France. Dans la 1ère circonscription du Haut-Rhin : 55,7 %.