Bonjour les amis,
En guise de pénitence pour ce beau mois de Carême je me suis infligée le spectacle de Macron à La Défense Arena. Je pensais également, par prudente abnégation, ne rien en dire, mais Dieu me pardonnera car c’est au-dessus de mes forces. Ce sera donc mon ultime commentaire après ces 5 ans de bagne, ou d’asile d’aliénés, qui nous ont été infligés depuis 2017, et dont j’espère que la peine ne sera pas doublée.
Lorsque je dis «spectacle », c’est vraiment de cela qu’il s’agit, pas d’un discours mais d’un concentré de l’ère du vide politique, ce fameux trou noir de la pensée caractérisant l’extrême-centre, cette antimatière macroniste dont j’ai souvent parlé ces dernières années, s’associant dans un parfait alliage avec la vanité de la société du spectacle dans toute sa quintessence, à l’état chimiquement pur.
Sur les chaînes d’info qui semblaient s’être subitement souvenues que nous étions en campagne électorale française et non en guerre russo-ukrainienne, comme par enchantement, l’on s’est mis à parler de ladite campagne, afin d’honorer comme il se devait le président que ces mêmes médias avaient contribué à porter au pouvoir en 2017 en abreuvant les citoyens de l’affaire-éclair Fillon, quand le gigantesque scandale d’État McKinsey (sans doute un coup des illuminati complotistes du Sénat) est à peine abordé.
Sur ces chaînes et dans les principaux médias, vous ne trouverez pas mention de ces gradins non remplis à l’Arena, de ces trouble-fêtes qui chantaient «Macron démission» ou autres oppositions, vous ne verrez pas ces appels qui ont circulé abondamment sur les réseaux par lesquels la Macronie a tenté d’appâter le chaland en promettant des récompenses à ceux qui viendraient au spectacle, ou leur communiquant dans le plus parfait ridicule la liste des chants à préparer en guise de programme politique dans un grand moment d’authenticité. Parmi ces chants d’ailleurs, vous ne verrez pas que Bella Ciao fut comprise comme étant la musique de la Casa de Papel et non en raison de sa longue histoire de Résistance et de luttes sociales, telle qu’elle fut d’ailleurs chantée dans tous les innombrables cortèges d’opposition qui ont émaillé ce quinquennat.
Au-delà de la quintessence du vide et du spectacle pur, cet événement représente également une sorte de summum de la gênance qui donne, par son ampleur, une idée assez précise de l’infini. Une ministre de la Défense tentant grotesquement de chauffer l’assemblée en évoquant les Rolling Stones, un autre représentant du gouvernement se livrant à des bouffonnades sur l’air de «Qui ne saute pas n’est pas Macron, cron» (oscours), une ministre égarée par là en robe de chambre, jouant sans doute le rôle de la Madelon et ayant visiblement oublié le reste de ses vêtements de ville au lavoir, bref, tout était gênant, la liste ici n’étant pas exhaustive.
Le discours en lui-même était interminable, de bric et de broc, mélangeant tout, racontant n’importe quoi, comme si la candidat avait perdu un pari et devait y fourrer tous les mots qu’il connaissait, grapillant des éléments de langage sans la moindre honte ici et là jusqu’à ceux de Philippe Poutou (leurs vies valent plus que tous les profits), piquant des morceaux de programme aux uns, aux autres, sans queue ni tête, présentant son propre bilan sans la moindre contradiction dialectique mais avec une manifeste auto-satisfaction qui faisait honte, promettant tout et n’importe quoi, se présentant également comme le candidat de la santé et des soignants, de la justice sociale (les éborgnés, les réprouvés, les emmerdés, les mis au ban de la République auront apprécié), faisant des phrases creuses ponctuées de clins d’yeux embarrassants, plongeant tout spectateur normal dans une honte encore plus grande par un moment de faux pathos à l’américaine en évoquant sans pudeur sa femme dont on n’a rien à faire, parsemant cet indigeste pudding avec des slogans dignes d’un mauvais PowerPoint à la McKinsey dont, d’ailleurs, l’on parla dans un incompréhensible dialecte dépourvu de toute logique.
Bref, ce spectacle ne fut rien d’autre que le spectacle du macronisme à l’état pur : du fake, du vide, des spectateurs pour la plupart incapables de narrer le moindre élément de programme si ce n’est celui d’être du côté du manche et dans le brouhaha d’un réformisme écervelé érigé en mantra, de la fausse émotion, de l’absence de débat de fond, un sorte de sous-convention américaine avec du bruit, de l’agitation, et rien dedans.
Derrière toute cette esbroufe toutefois, derrière ce vide communicationnel, il convient de ne pas oublier la violence bien concrète de ces 5 années, le mépris, la haine attisée contre des parties entières de la société française, par ailleurs complaisamment montées les unes contre les autres, les écarts de conduite, les rabaissements de la fonction et de la nation, l’insécurité endémique, les escamotages incessants de souveraineté nationale, la quasi-abolition des contre-pouvoirs et des corps intermédiaires (dont d’ailleurs l’affaire dite McKinsey est un des symptômes), la liquidation par prédation du pays vendu à la découpe.
En ce sens, pour raté et lunaire qu’il fût, ce spectacle azimuté et azimutant ne doit rien faire oublier de ce dont il conviendrait désormais de se libérer et qui fut le pire mandat présidentiel de la Vème République.
Il appartient désormais aux citoyens de mettre fin à cette déchéance à la fois politique, intellectuelle, morale mais on comprend aussi, à voir pareil spectacle, que, pour beaucoup, le vide habité par le seul attrait des paillettes, du pouvoir, de l’arrogance et de la niaiserie peut tout à fait tenir lieu de programme.