L’ALSACE AU FIL DE l‘EAU
Volet 1 : le métier de lavandière
L‘eau a influencé les paysages, l’économie et l'essor de l‘Alsace à travers les siècles. Elle a permis l’existence d'une flore et d'une faune hors du commun.
C’est aujourd’hui un patrimoine précieux dont il faut savoir préserver l’équilibre.
L‘eau est aussi source de métiers et d’activités diverses...
Et si nous parlions des lavandières
Au XVIIIe et XIXe siècle, les villes du bassin rhénan sont prospères grâce aux nombreux négociants et industriels, la main d’œuvre est très présente.
La bourgeoisie locale habite des demeures proches des cours d’eau, avec un personnel de maison important : cochers, cuisinières, lingères et lavandières, les maisons en bordure de rivière disposent d'un lavoir protégé des regards au fond des jardins de chaque propriété.
Au XIIe siècle, la lessive du gros linge s’effectue une fois par an, après Pâques. Plus tard, au début du XIXe, on effectue les "grandes lessives" ou "grandes buées" au printemps et en automne. Le linge est préparé et trempé dans les buanderies, pendant une journée, puis transporté au lavoir dans des charrettes, pour être rincé.
Dans les familles aisées, on compte une moyenne de 70 draps, autant de chemises, des dizaines de mouchoirs et de torchons, pas étonnant qu'il soit nécessaire d'avoir un trousseau volumineux. Cela représente un travail de trois jours avec les différentes étapes.
Les familles les plus aisées font appel aux lavandières, qui sont des laveuses professionnelles.
Souvent, les grandes buées durent plusieurs jours, il y a un chaudron pour faire bouillir le linge, une caisse où les femmes sont agenouillées pour savonner et rincer. Les femmes s'installent souvent face à face pour papoter, les commérages de quartier vont bon train.
Les lavandières sont souvent des mamans, les enfants les rejoignent après l'école, pour aider à porter les baquets chargés de linge mouillé ou aussi pour livrer le linge lavé chez les clients.
Chaque lavandière a ses propres clients, notables et commerçants de la ville et a sa place réservée sur ce lieu de travail. Ces femmes sont bien courageuses et emportent même une hache pour défoncer la glace en hiver.
On fait tremper le gros linge la veille, pour un premier décrassage, puis on chauffe l'eau pour la faire couler bouillante dans un baquet de bois posé sur un trépied où l'on a soigneusement ordonné le linge, par couches. Au-dessus, un gros drap est couvert de cendre (épaisseur d‘un poing) qui sert de lessive. Vers 1910-1920, les lavandières utilisent des cristaux de soude et des paillettes de savon.
À Strasbourg, l'eau courante à l'évier se généralise dans les années 1930-1935, bien que la ville soit alimentée en eau potable dès 1892. De plus, la loi du 27 octobre 1919 encourage toute construction du début du XXe siècle à être équipée d'une buanderie et d'une zone de séchage (souvent au grenier). En Alsace c'est le cas dès 1875, dans tout type de construction, excepté les vieux quartiers en hyper centre dans les villes.
Ceci, combiné à l'arrivée du lave-linge à partir des années 1950, fait disparaître peu à peu ce métier.
Longtemps laissés à l’abandon, beaucoup de lavoirs ont été détruits. Ceux qui subsistent ont été restaurés, tel un petit patrimoine, et sont aujourd’hui le théâtre d'animations historiques ou culturelles diverses, l'occasion de faire revivre, le temps d‘une journée, le savoir-faire des lavandières.
ASPC
Photos Jean-Paul Krebs, Daniel Sigaud, Pinterest, Collection personnelle