Eric Vial
Péché d’orgueil
Péché d’orgueil
Quand j’étais petit, on nous montrait à la télévision les files d’attente en URSS ou dans les pays de l’Est. On nous disait : « regarde les pov’ communistes ils n’ont rien ! ». Honnêtement on se foutait bien de leur figure.
Gilbert Becaud chantait « Nathalie », une Place Rouge qui était blanche : c’était « exotique ». On voyait les Russes chercher du bois ou du charbon pour se chauffer l’hiver avec de grosses chapkas sur la tête alors que nos parents installaient du chauffage électrique au sol.
Ces cocos nous apparaissaient comme pauvres et décadents dans un monde de progrès. Personne ne comprenait comment la population pouvait ainsi se laisser faire...
40 ans plus tard, c’est nous qui faisons la queue pour avoir de l’essence. Monter dans un bus ou dans un train quand ils ne sont pas annulés est un vrai parcours du combattant pour les travailleurs.
Commander une voiture allemande ou étrangère est presque impossible tant les délais sont longs, alors on fait comme les Chinois de l’époque, on enfourche un vélo.
Obtenir certains matériaux ou outils nécessitent de passer par des réseaux de débrouilles. Trouver un médecin qui vous soigne quand vous êtes malade n’est pas une sinécure. Se payer des tomates à près de 5€ le kilo est un luxe. Quant aux rayons des magasins, il faut être aveugle pour ne pas se rendre compte que certains produits ne sont plus disponibles. Il y a heureusement du marché noir pour tout ce que l’on désire. Les cigarettes se vendent sous le manteau, le foie gras pour Noël aussi.
Les gens ont plusieurs boulots pour tenir le coup financièrement. Des familles font leur provisions de bois pour se chauffer. Près d’un français sur six est réellement pauvre. On rouvre nos centrales à charbon. Le col roulé est à la mode. Les apparatchiks de l’Assemblée Nationale et du Sénat continuent d’augmenter leurs indemnités selon RTL. L’Elysée, notre Kremlin, bénéficie de 5 millions d’€ supplémentaires par an pour subvenir à ses dépenses de « fin d’abondance »…
« Tel est pris qui croyait prendre » aurait dit mon pote La Fontaine. J’ai comme un sentiment étrange de renversement de tendances. Mais qu’est-ce qui s’est passé ? À partir de quand on décide qu’il y a eu un bug dans le logiciel économique qu’on nous avait vendu ?