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10 mars 2022

LOUIS-VALENTIN LOPEZ / FRANCE MUSIQUE

Ivan Velikanov, suspendu pour avoir joué l'Hymne à la Joie : « J’ai agi pour la paix »




« Quelqu'un du gouvernement a décidé de m'empêcher de diriger », indique Ivan Velikanov - Facebook d'Ivan Velikanov

Le chef russe s'exprime pour la première fois dans un média français. Interdit de diriger les Noces de Figaro par les autorités, il faut « stopper la peur », confie-t-il à France Musique.

24 février. Début de l’invasion en Ukraine. Au même moment, Ivan Velikanov, chef d’orchestre russe, s’apprête à diriger Les Noces de Figaro à Nijni-Novgorod, à 400 kilomètres au nord-est de Moscou. Dans la salle du théâtre règne un silence inhabituel. Pas celui qui permet la qualité d’écoute mais un silence « très triste, pesant ». « J’ai senti que le public, les musiciens, les chanteurs, tout le monde était sous le choc », raconte Ivan Velikanov, joint par France Musique. « Si personne ne dit clairement "la guerre commence", tout le monde comprend que c’est le cas ». Entre deux actes de l’opéra de Mozart, le jeune chef décide alors de s’installer deux minutes derrière le clavecin, et de jouer l’Hymne à la Joie de Beethoven. Selon lui « la meilleure musique pour transmettre la notion de paix. Nous sommes musiciens, nous devons dire les choses avec la musique. »

Mais peu de spectateurs le remarquent. « C’était un geste trop petit, on doit être beaucoup plus direct. » Le lendemain soir, le 25, Ivan Velikanov voit donc plus grand. Il prend la parole au micro, avant les Noces, pour dire que « nous, les artistes, sommes contre la guerre. C’est inhabituel pour un chef d’orchestre de prendre la parole avant un concert, mais j’ai pensé que c’était nécessaire. » Il dirige alors l’Hymne à la Joie, cette-fois reprise par tous les musiciens. « Sur le moment, j’oublie absolument qu’il s’agit aussi de l’hymne de l’Union Européenne. Mais je pense que même si je m’en étais rappelé, je l’aurais quand même fait jouer. »

« Il y a eu beaucoup de questions, notamment quelles étaient les raisons qui avaient poussé le théâtre à faire ce choix. Mais non, c’était mon initiative. C’était ma seule responsabilité. »

Quelqu'un du gouvernement a décidé de m'empêcher de diriger

Surprise pour l’orchestre, prévenu au dernier moment. « Des musiciens m’ont dit que c’était très bien et d’autres m’ont ensuite demandé pourquoi j’avais décidé cela, alors qu’ils n’étaient peut-être pas d’accord. Dans le public, des vivats, des « bravo », mais pas que. Un spectateur m’a dit par la suite que deux vieilles dames, assises devant lui, se sont indignées. » Et courroux, évidemment, au plus haut niveau de l’État russe. « Pour les gens du gouvernement, et de Nijni-Novgorod, j’avais joué l’hymne de l’Union européenne. Ils ont seulement vu cet aspect-là. »

Quelques jours après, le 1er mars, Ivan Velikanov apprend la désagréable nouvelle : il ne dirigera plus la production des Noces de Figaro jusqu’à nouvel ordre, suspendu et remplacé par un autre chef d’orchestre. « Il y a eu des débats en haut lieu pour décider si je pouvais diriger ou non. La direction du théâtre n’était pas contre, elle voulait que je dirige. C’est quelqu’un du gouvernement qui a décidé de m’empêcher de diriger », nous indique le chef. Et ce malgré des plaidoyers en sa faveur. « Je sais que des gens très importants ont téléphoné à des gens encore plus importants dans le gouvernement, pour demander à ce que je puisse diriger. Pour éteindre la polémique autour de moi, ils ont juré que je ne continuerai pas, et que je ne prendrai plus la parole avant les concerts. » Rien n’y fit.

« Ce fut très important pour moi que beaucoup de chefs d’orchestre refusent de me remplacer, par solidarité. Mais toujours, quelqu’un finit par accepter. J’ai compris, d’autant plus que la production était prête, cela a permis de sauver le spectacle. »

Quand des choses absurdes se passent, nous devons stopper la peur

Dix jours après sa suspension, Ivan Velikanov donne des nouvelles rassurantes. Il n’a reçu aucune menace, et mis à part sa suspension des Noces de Figaro, n’a écopé d’aucune sanction. Il doit d’ailleurs diriger la première de Falstaff ce jeudi soir, au théâtre Bolchoï. Et ne regrette pas le moins du monde d’avoir osé s’exprimer, par les mots et par la musique : « Quand des choses absurdes se passent, nous devons stopper la peur. Soit on quitte le pays, soit on continue à vivre normalement, ce qui inclut le fait de s’exprimer normalement. Je ne dis pas que tout le monde doit montrer sa position, je ne suis d’ailleurs pas le plus actif. Mais j’ai agi pour la paix. »

Ivan Velikanov réagit aussi à la mise au ban de certains de ses compatriotes russes d’événements et de scènes internationales. S’il comprend que certains proches de Poutine soient exclus, il juge ces décisions globalement « très mauvaises », d’autant dit-il que « les responsables russes n’en ont rien à faire que tel ou tel artiste soit banni, chante ou ne chante pas à la Scala [...]. Tous les gens connaissant la culture russe savent que ce n’est pas une culture de la guerre, que c’est une culture de la paix. Il suffit de lire Tolstoï ou Dostoïevski. La guerre a une fin, très souvent, et la culture doit aider à la surmonter. Je pense que la culture aide à la paix. »

https://www.radiofrance.fr/francemusique/ivan-velikanov-suspendu-pour-avoir-joue-l-hymne-a-la-joie-j-ai-agi-pour-la-paix-5633621?fbclid=IwAR2tsyAEi3QTPQqW8GER_B-4oI0flB4C11hvLSWFN0rmRfBO_rzeZI73ByQ

ANTI PASS COLMAR 68




9 mars 2022

Michel Rosenzweig

L'Empire du Bien contrattaque

Après deux années d'intoxication par la propagande anticovid nous voilà à présent sommés d'adhérer à la propagande binaire antiPoutine pro-Ukraine. Tout le monde s'y est mis du jour au lendemain, individus, associations, institutions, organismes, services publics, partis politiques, médias, même l'opérateur des télécoms belges Proximus s'est récemment fendu d'un nouveau logo défilant "Stop invasion", comprenez que la guerre c'est mal et que la paix c'est bien, l'Empire du Bien cher à Philippe Muray n'a jamais aussi bien porté son nom. Hier c'était au nom de la santé, aujourd'hui c'est au nom d'une morale convenue à deux balles.
Or, il n'aura échappé à aucun esprit avisé que rien n'est binaire et simple dans cette affaire russo-ukrainienne exactement comme rien ne le fut jamais non plus dans cette autre affaire plus politique que sanitaire qui nous a pourri la vie pendant deux années de contraintes existentielles les unes plus ineptes et plus délétères que les autres.
Exit la psychose collective pandémique, bonjour l'hystérie collective suivante, j'ai nommé la russophobie à laquelle nous sommes tous conviés d'adhérer sous peine du même rejet et des mêmes condamnations sociales : bannissement des auteurs et personnalités russes et appel à l'assassinat décomplexé de Poutine.
Rien de tel que la désignation d'un ennemi commun pour ressouder les peuples avachis.
De même qu'il était interdit de penser autrement le Covid, il est à présent interdit de penser autrement cette guerre qui ressemble beaucoup à l'autre drôle de guerre par bien des aspects.
Quant au Président Zelenski, déjà promu au rang de héros planétaire par les médias de masse, le voilà qui trépigne d'impatience en râlant comme un enfant qui n'aurait pas reçu ses jouets promis par le père Noël, ses avions de combat ne sont pas encore arrivés, fustigeant l'OTAN qui rechigne, à juste titre, à établir une no flight zone.
Mais qu'importe le flacon pourvu que Zelensky ait l'ivresse d'étendre ce conflit en grande guerre mondiale dans le monde, après moi les mouches, l'Ukraine vaut bien une apocalypse nucléaire, quelle autre cause serait-elle plus importante que la sienne, on se le demande puisqu'une majorité de nos semblables ont déjà emboîté le pas de la solidarité en bêlant exactement de la même manière qu'ils l'ont fait avec le régime sanitaire, accordant un statut spécial à ces réfugiés qui méritent plus d'attention et de considération que tous les autres (indigents indigènes compris).
La guerre contemporaine est à géométrie politique et idéologique variable, celle du Kosovo était parfaitement illégale, mais légitime pour les puissances atlantistes, celle de l'affreux Poutine représente le mal absolu autour duquel il est urgent de se réunir et tous les éléments historiques avérés qui pourraient éclairer la généalogie de ce conflit sont systématiquement frappés par la censure du camp du Bien, à l'instar des éléments éclairant sur la nature de la pandémie : coup d'état de 2014 et participation officielle des groupes néonazis, corruption systémique du pouvoir, implication de la CIA et de l'UE, menace d'adhésion à l'OTAN, milliers de morts à l'Est, interdiction de la langue russe, acharnement et discrimination des minorités russophones.
Côté média, les médecins de plateaux de la scène du Covid ont été remplacés par une kyrielle de généraux à la retraite et en charentaises, ainsi que par des journalistes reporters de guerre, des géopolitologues, des défilés de femmes ukrainiennes puissantes et conformes à leur réputation, et même des psychiatres de salon se risquant à de douteux psycho diagnostic à distance (c'est l'air du temps, le zeitgeist) sur la structure de personnalité de Vladimir Poutine. https://www.lejdd.fr/.../tribune-le-psychiatre-daniel....
Notre époque est résolument celle du degré zéro de la pensée, un degré intellectuel qui ne tolère aucune contradiction, aucune remise en question et promouvant une doxa binaire et unique structurée entre un Bien et un Mal décrétés universels et indiscutables.
Vous avez cru que la pandémie était terminée et que la paix universelle allait enfin régner ? Et que cette fin de l'histoire tant attendue était enfin advenue ?
Erreur, le tragique repointe son nez et même les compteurs épidémiologiques recommencent à s'affoler en France comme en Belgique, remplaçant déjà la une des infos sur certains médias (RTBF).
Bientôt la prochaine vague rejoindra celle de cette guerre dont l'extension économique produira encore plus de misère sociale et émotionnelle.
La jonction entre les deux axes du Great Reset (épidémie et guerre) se prépare à l'ombre de la propagande de masse et de la fabrique de l'opinion et du consentement.
L'ère des sacrifices ne fait que commencer.
La boîte de Pandore est ouverte, nous sommes tous des Iphigénie.
©Michel Rosenzweig

Illustration : Jean-Bernard Restout, Le sacrifice d'Iphigénie
1760, Huile sur toile, 92,5 x 118 cm,
Musée départemental Georges de la Tour, Vic-sur-Seille



Jean-Pierre Luminet

J’ai préféré ne pas m’exprimer sur le sujet de la guerre en Ukraine, tant tout ce que je lis et entends en Occident sur la question, que ce soit chez les politiques, dans les médias adoubés, les milieux dits culturels et les réseaux sociaux, me donne l’impression de vivre dans un gigantesque asile d’aliénés. Or, comme le disait un professeur marseillais tombé quelque peu aux oubliettes, « je ne parle pas avec les fous ».
Je me contenterai de remarquer que, pire encore que lors de l’hystérie covidiste, la panique est sciemment entretenue pour nous faire croire à une troisième guerre mondiale, nouvelle occasion rêvée d’accélérer le projet pervers du Grand Reset, à savoir le contrôle absolu de nos vies publiques et privées.
Ceci dit :
1) Malgré son absence de scrupules, de respect pour les droits de l'Homme et son mépris du droit international (mais il est loin d’être seul dans ce cas), Vladimir Poutine n'est pas en train de massacrer aveuglément la population ukrainienne. Il ne tapisse pas les villes de bombes comme il le pourrait et comme les Américains l'ont fait des dizaines de fois depuis la seconde guerre mondiale, continuant d’ailleurs de le faire aujourd’hui en Somalie, en toute impunité et sans que personne ne réagisse vu qu’il n’y a pas d’intérêts économiques derrière.
Il y a certes des victimes civiles, ce qui est déplorable, mais bien moins que ce que le régime ukrainien a perpétré dans le Donbass depuis 2014. Cela n’excuse évidemment rien, mais relativise l’indignation à sens unique. La propagande, plus que jamais active en temps de conflit, se trouve des deux côtés, aucune n’est plus crédible que l’autre
2) Les pays de l'OTAN ne veulent pas d’une guerre – qu’ils seraient d’ailleurs et heureusement bien incapables de mener, malgré les déclarations grand-guignolesques de leurs dirigeants à la botte des intérêts américains. Ils ont donc baissé d'un ton. L'Allemagne insiste pour continuer à recevoir le gaz et le pétrole russes. Si elle a fait mine de livrer des armes aux Ukrainiens, en fouillant un peu on trouve qu’il s'agit de vieux stocks de munitions moisies datant de la RDA, obsolètes depuis 35 ans.
3) Tous les médias, tous les politiques, nombre d’artistes et de sportifs, même des sites censés être d’information scientifique, font des déclarations fracassantes et/ou débilement alarmistes (que donnerait la plus puissante bombe thermonucléaire sur Paris, comment faire tomber dessus la Station spatiale internationale, comment la guerre en Ukraine va rebooster la pandémie Covid, etc.). Au-delà de vouloir faire preuve de bonne conscience, c’est manifestement pour ces derniers l’occasion d’attirer l’attention, de faire du « buzz », alors que le Covid ne faisait plus recette. Tout est donc déformé et exagéré, dans l’ignorance de qui se passe réellement sur le terrain. Exemple entre cent, la pseudo-attaque contre une centrale nucléaire concernait en réalité un bâtiment annexe vide, servant pour la formation continue. Le reste à l’avenant.
4) Il reste heureusement quelques exceptions. Je tire notamment mon chapeau à l’excellent chef d’orchestre russe Tugan Sokhiev. Sommé de choisir entre son poste à l’Orchestre du Capitole de Toulouse et celui qu’il occupe au Bolchoï de Moscou, il a préféré démissionner de ses deux mandats, jugeant insultant le fait qu’on puisse douter de son désir de paix.
Le « spectre » d’une troisième guerre mondiale est aussi fantomatique que ce qu’indique l’expression. Néanmoins on peut voir cette affaire comme un rappel que la paix n'est jamais définitivement acquise. C’est évidemment l’inassouvissable orgueil et la soif de pouvoir de la nature humaine qui sont en cause. Qui vis pacem, para bellum.

Reporterre : Comment les oligarques russes détruisent la planète




La caste des oligarques russes incarne le capitalisme dans ce qu’il a de plus prédateur. Avec leur mode de vie ostentatoire et leurs investissements dans l’industrie extractive, ces ultrariches ravagent la planète sous le regard complaisant des élites occidentales.

C’est une image qui préfigure les prochaines crises climatiques. Les ultrariches refusent d’affronter l’Histoire et préfèrent faire sécession. Alors que la guerre fait rage en Ukraine et que le bas peuple s’écharpe sous les bombes, les oligarques russes fuient la tempête à bord de leurs yachts et de leurs jets privés, en quête d’eaux turquoise et de terres plus hospitalières. Face à la menace d’une saisie de leur fortune, en Occident, les milliardaires russes se planquent dans les paradis fiscaux. Comme l’écrivait le philosophe Bruno Latour [1], « à défaut d’atterrir, les ultrariches tentent d’échapper au monde commun ».

Aux Maldives, dans les ports, on assiste presque à des embouteillages. Le Titan, le yacht de quatre-vingts mètres de Roman Abramovitch, propriétaire du club de football anglais Chelsea, est arrivé la semaine dernière, rejoignant d’autres navires : le My Sky, propriété d’Igor Kesaev, le Clio de l’oligarque Oleg Deripaska et le Nirvana, impressionnant yacht de quatre-vingt-huit mètres appartenant à l’homme le plus riche de Russie, Vladimir Potanine.


Le « Dilbar », yacht de luxe appartenant au milliardaire russe Alicher Ousmanov, à Antibes (Alpes-Maritimes) en 2018. Wikimedia / CC BY-SA 4.0 / Jpchevreau


Le sauve-qui-peut est général. Partout, les milliardaires russes désertent. Le Galactica Super Nova de Vaguit Alekperov est parti de Barcelone pour s’abriter au Monténégro. Le navire Nord — 140 mètres de long, 500 millions de dollars — d’Alexei Mordashov se cache aux Seychelles comme le Sea Rapsody d’Andrey Kostin. Anticipant les sanctions à venir, le Boeing 787 de Roman Abramovitch a également décollé de l’aéroport de Nice le matin de l’offensive russe. Comme le yacht de Poutine, estimé à 100 millions de dollars, qui a mystérieusement disparu du port de Hambourg mi-février alors que ses réparations n’étaient pas terminées.
L’oligarque Roman Abramovitch représente la pire empreinte carbone de tous les humains

« Poutine, ce multimilliardaire, est l’archétype de l’oligarque cupide, a réagi l’ancien candidat à l’élection présidentielle américaine, Bernie Sanders. Avant de déclencher une guerre qui risque de tuer des milliers de personnes et d’en déplacer des millions, il devrait davantage se préoccuper des peuples ukrainiens et russes, et moins de son précieux superyacht. »

L’exil de ces milliardaires n’a rien d’anecdotique. « Une poignée de super-riches s’égayent en mer alors que des milliards de personnes luttent pour survivre et que la planète dégringole dans une catastrophe écologique, dit à Reporterre Grégory Salle, l’auteur du livre Superyachts — Luxe, calme et écocide (éd. Amsterdam, 2021). Ces grandes fortunes sont l’emblème du capitalocène. Leur mode de vie a presque littéralement rompu toute attache avec le monde social ordinaire ».

Le coût écologique des milliardaires en tonnes équivalent CO2. En bleu, les demeures ; en jaune, les yachts ; en rouge, les autres modes de transport (jets, hélicoptères...) Roman Abramovitch est tout en haut du podium. The Conversation / CC-BY-ND


Les oligarques russes incarnent, en effet, l’ordre capitaliste dans sa version la plus démesurée et la plus ostentatoire. Dans son enquête, Grégory Salle raconte ainsi comment un milliardaire russe s’obstine à vouloir installer dans son yacht une douche capable de faire jaillir à volonté du champagne, avec un débit de 45 litres par minute. Le sociologue décrit la course au gigantisme, les yachts toujours plus énormes, les sommes colossales allouées aux biens de luxe et les caprices de ces dominants avec leurs piscines en verre, leurs bars en cristal et leurs pieds-à-terre sur la Côte d’Azur achetés plusieurs centaines de millions d’euros.

Leur mode de vie est insoutenable. Les navires de luxe qu’ils affectionnent consomment jusqu’à 2 000 litres de carburant à l’heure. Pour donner un ordre de grandeur, trois cents yachts émettent autant de CO2 que les dix millions d’habitants du Burundi.

Dans une étude de 2019, deux anthropologues de l’Université de l’Indiana (États-Unis), Beatriz Barros et Richard Wilk, se sont intéressés aux milliardaires qui polluent le plus. En tête, loin devant, on retrouve l’oligarque Roman Abramovitch qui détient la pire empreinte carbone sur Terre. Chaque année, il émet 33 859 tonnes de CO2 alors qu’en moyenne un citoyen russe n’en émet que 11. Le multimilliardaire possède une collection de yachts et un jet privé qui comprend une salle de banquet pouvant accueillir trente personnes.
« C’est un crime vendu comme idéal de vie »

Cette consommation ostensible de combustibles fossiles devrait être qualifiée de crime selon le chercheur Andreas Malm. Dans son livre Comment saboter un pipeline (éd. La Fabrique, 2020), il dénonce avec vigueur « ces émissions de luxe », « fer de lance idéologique du business-as-usual » : « C’est un crime vendu comme un idéal de vie […] Dans une atmosphère déjà saturée de CO2, cette pollution équivaut à des projectiles balancés dans les airs qui retombent au hasard sur les pauvres », écrit-il.

Le crime est aggravé par le fait que la principale source des émissions de luxe — l’hypermobilité des riches, leur débauche de déplacements en avion, en yacht, en hélicoptère — est ce qui leur permet de ne pas avoir à se soucier des conséquences, puisqu’ils peuvent toujours se mettre à l’abri ailleurs. « Être ultrariche et hypermobile au-dessus de 400 parties par million (ppm) [2], c’est déverser les périls mortels sur d’autres et y échapper dans un même coup de maître », conclut Andreas Malm.

En la matière, les oligarques russes sont parmi les plus forts. Leurs incroyables frasques ne connaissent pas de frontière. Avec leurs villas en bord de mer, leurs chalets à Courchevel, leurs manoirs à Londres — rebaptisé « Londongrad » — ou leurs hôtels particuliers à Paris, cette caste vit complètement hors-sol.

Pour ne prendre qu’un exemple, le magnat du gaz, Gennady Timchenko, dont la fortune est estimée à 22 milliards de dollars, se rend presque chaque week-end dans sa somptueuse propriété du Lavandou dans le Var. Il possède aussi des biens en Suisse, un yacht qui sillonne la mer Méditerranée, un jet privé, etc.

Il y a encore quelque temps, les oligarques russes étaient bien accueillis en France. Gennady Timchenko a été décoré du grade de Chevalier de la Légion d’honneur en 2013, tandis qu’Iskander Makhmudov – seizième fortune en Russie qui possède plusieurs domaines de chasse en Sologne (1 300 hectares) — pouvait bénéficier de la sécurité d’un certain Alexandre Benalla alors que ce dernier travaillait encore à l’Élysée.
Sarkozy et Fillon, les amis des oligarques

Plusieurs politiques français ont fricoté avec eux, sans vergogne. Avant de démissionner, sous la pression, François Fillon était administrateur du groupe d’hydrocarbures Zaroubejneft et du géant de la pétrochimie Sibur, contrôlé par Leonid Mikhelson, l’un des hommes les plus riches de Russie. L’ancien président de la République, Nicolas Sarkozy a vendu ses conseils pour 3 millions d’euros à une société d’assurance russe possédée par les deux milliardaires Sergey et Nikolay Sarkisov. À Monaco, c’est un avocat, désormais garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti qui avait pour client l’oligarque Dimitri Rybolovlev.

Ces ultrariches, dont la grande majorité sont à la botte de Vladimir Poutine, ont bénéficié de quinze ans de complaisance politique en France et plus généralement en Europe. Pendant des années, ils se sont enrichis sous l’œil bienveillant des élites occidentales, grâce à ce que l’on pourrait qualifier de plus grand pillage de l’Histoire : le dépeçage de l’industrie soviétique et sa privatisation.

Pétrole, minerai, gaz... Au moment de la dislocation de l’URSS, ces oligarques ont accaparé les richesses et ont réalisé de super rentes grâce aux exportations d’hydrocarbures et au secteur extractiviste — par ailleurs ultrapolluant. Selon le Boston Consulting Group (BCG), les cinq cents plus grosses fortunes russes contrôlent 40 % de la richesse nationale. « C’est une dérive kleptocratique sans limites », a résumé l’économiste Thomas Piketty.

La Russie a abandonné toute ambition de redistribution. L’argent accumulé est dilapidé en dehors du pays. Environ 60 % de la fortune des résidents russes les plus riches (le top 0,01 %, soit environ 10 000 personnes) est détenue dans des paradis fiscaux offshore. Les « Panama papers » et les « Paradise papers » ont révélé les pratiques frauduleuses des proches du Kremlin pour soustraire des sommes faramineuses à la Russie.


Nicolas Sarkozy, Dmitriy Rybolovlev (au milieu) président de l’AS Monaco et le prince Albert de Monaco, en 2017 au Parc des Princes à Paris. © Franck Fife / AFP


Les chercheurs Gabriel Zucman, Thomas Piketty et Filip Novokmet estiment à 1 000 milliards de dollars le montant global détenu par des Russes, particuliers ou entreprises, à l’étranger. Soit plus de la moitié du produit intérieur brut national.

À l’occasion de la guerre en Ukraine, les choses pourraient changer. Le gel des avoirs des oligarques russes est inédit par son ampleur et les images des saisies montrent qu’une régulation internationale serait possible. « Attention cependant à ne pas surjouer l’affrontement entre “les démocraties” et “les autocraties”, les “entrepreneurs” occidentaux, utiles et méritants et les “oligarques” russes, nuisibles et parasites, prévient Thomas Piketty. On oublie trop souvent que les pays occidentaux partagent avec la Russie une idéologie hypercapitaliste débridée et un système légal, fiscal et politique de plus en plus favorable aux grandes fortunes. »

Pour l’économiste, il est temps d’imaginer un nouveau type de modèle de développement, avec la mise en place d’un cadastre financier international afin de contrôler les flux d’argents à travers le monde et mieux réguler le secteur financier. « C’est à ce prix que les pays occidentaux parviendront à gagner la bataille politique et morale face aux autocraties et à démontrer aux opinions mondiales que les grands discours sur la démocratie et la justice ne sont pas des mots creux. »


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VEESSE


Valérie Pécresse : la chute en marche, surtout en Alsace…

Jeanne Fischer - HEB'DI

On aimerait bien savoir quels sont les agences de communication, experts, auteurs, préparateurs de Valérie Pécresse pour cette campagne présidentielle !

Pour les mettre au ban de leur métier ou pour comprendre qui les a embauchés pour saborder le « retour de la droite ».

De meeting en meeting…

Saborder parce qu’il n’est pas possible de laisser une candidate être aussi désastreuse. Sa prononciation, son phrasé, ses accentuations, ses coupures et même ses silences sont désastreux. « En matière de portée de la voix, on est entre Anne Hidalgo et Fabienne Keller » nous dit un militant qui y a cru, jusqu’au meeting de Metz.

Contacté par nos équipes, plusieurs professionnels de la communication haut-rhinois et bas-rhinois soulignent le cas pratique « à montrer aux étudiants de master » que fut le meeting parisien de la candidate LR. « Les autres aussi », rajoute un observateur.

Les affiches, les tracts, la bonne volonté des militants n’y changent rien, la chute est amorcée.


Russie : Valérie Pécresse agent secret

La chute s’additionne à la faiblesse des arguments. Le programme de Valérie Pécresse est inaudible. Ses arguments contre Marine Le Pen et Éric Zemmour commencent à lasser. La ritournelle « ils fréquentent des nazis et sont pro-Poutine » énerve même en interne.

Les militants LR se souviennent des rencontres Chirac-Poutine, Sarkozy-Poutine. Ils ont bien noté aussi que François Fillon travaillait en Russie. Valérie qui cultive un vrai amour pour la Russie oublie-t-elle qu’elle a rencontré, elle aussi Vladimir ?

Il se dit même qu’à l’époque, étonné par la maitrise du russe de la ministre, le patron du Kremlin l’aurait prise pour un « agent secret ».

Et en Alsace ?

Région généralement courtisée par la « droite », l’Alsace est aussi la grande oubliée de la campagne de Valérie Pécresse. « On ne gagne pas à droite si l’on n’a pas séduit les Alsaciens ou si l’on a peur de leur parler » souligne, par téléphone, un ancien élu régional, déçu des choix de Valérie Pécresse. Il rappelle qu’elle n’a pas, à ce jour, répondu aux appels des 142 000 soutiens à la sortie du Grand-Est, à la consultation de Frédéric Bierry, en fait.

Valérie Pécresse va encore chuter craignent certains. « Le pire, c’est que les choix des leaders actuels de la Fédération du Bas-Rhin pour les législatives pourraient faire qu’au lieu de gagner des sièges, la majorité alsacienne en perde. Les militants de base n’auront qu’à demander des comptes ».

En attendant, d’anciens proches de Jean Rottner, d’actuels élus de la majorité du Grand Est ne s’y trompent pas, ils soutiennent Emmanuel Macron. Sur le terrain, les militants LR vont, eux, encore au charbon.

Jeanne Fischer


8 mars 2022

MÉLISSA SIMON - MIDI LIBRE

Covid : sept questions autour de la suspension du pass vaccinal et de la fin du masque obligatoire le 14 mars

Jean Castex a annoncé jeudi 3 mars la fin du port du masque en intérieur et la suspension du pass vaccinal à compter du 14 mars. Mais des questions subsistent. On fait le point.

La lumière au bout du tunnel ? Invité du JT de 13 h de TF1 le jeudi 3 mars 2022, le Premier ministre a annoncé un nouvel assouplissement des mesures sanitaires en France. Cet allégement intervient dans un contexte de baisse significative de nombre de nouveaux cas de Covid. Concrètement, le 14 mars, le pass vaccinal ne sera plus nécessaire et le port du masque ne sera plus obligatoire. Mais des questions demeurent autour de ces allégements. Nous allons donc tenter d'éclaire votre lanterne.

Est-ce vraiment la fin du pass vaccinal ?

En fait, la suspension du pass vaccinal entraînera le retour du pass sanitaire. Disparu depuis le 24 janvier dernier, le pass sanitaire sera requis "dans les établissements de santé, les maisons de retraite et dans les établissements accueillant des personnes en situations de handicap".

En d'autres termes, les personnes qui ne possédaient pas de pass vaccinal (obtenu grâce à un schéma vaccinal complet) devront effectuer un test de dépistage négatif pour que leur pass sanitaire soit actif durant une durée limitée et ainsi accéder à ces lieux précis.

Pour les autres endroits où le pass vaccinal était exigé, à partir du 14 mars ce dernier ne sera plus nécessaire.

Quels seront les tests acceptés pour obtenir un pass sanitaire valide ?

La DGS indique à nos confrères de RTL que des tests PCR, antigénique ou des autotests sous supervision d'un professionnel de santé permettent d'obtenir ce pass sanitaire, même après le 14 mars. Entre autre, les conditions de dépistage restent les mêmes que celles que nous connaissons aujourd'hui.

Pendant combien de temps resteront-ils valides ?

À partir du 14 mars, l'obtention d'un pass sanitaire via un test de dépistage négatif sera réduite : 24 heures depuis la date de prélèvement. Si la personne a de nouveau besoin d'un pass sanitaire passé ce délai, elle devra réaliser un nouveau test, et qu'il soit négatif.

Les tests seront-ils payants ?

Ils le seront pour les personnes dont le schéma vaccinal n'est pas complet, indique le ministère à nos confrères. Font exception : "les personnes mineures, disposant d’une contre-indication à la vaccination, identifiées dans le cadre du contact-tracing fait par l’Assurance maladie ou TousAntiCovid, concernées par des campagnes de dépistage collectif - organisées par les Agences régionales de santé ou au sein des établissements de l’éducation nationale par exemple - présentant une prescription médicale ou ayant un certificat de rétablissement de moins de six mois". Ces dernières pourront donc bénéficier des tests gratuitement.

La fin du masque, partout et pour tout le monde ?

Jean Castex a annoncé le 3 mars deux exceptions. Le port du masque restera obligatoire dans les "transports collectifs de voyageurs". Comprenez, les transports en commun (métro, bus, tramway...). Par ailleurs, on ne sait pas encore si les transports de longue distance seront concernés par la levée du masque ou non.

Concernant les écoles, Jean Michel Blanquer a précisé que cette levée des restrictions en milieu scolaire concernerait les élèves mais aussi l'ensemble des personnels de l'éducation. Le protocole sanitaire en vigueur à cette devrait évoluer après "une instance de coordination avec les organisations syndicales et les autorités de santé le 9 mars."

Le ministre de l'Education assure que les changements iront vers l'allégement, notamment sur "la vie à la cantine", les "activités sportives" ou encore le brassage des élèves. "Une étape supplémentaire, pas la dernière."

De son côté, Olivier Véran s'est adressé aux plus fragiles, par leur âge ou leur état de santé : "N'hésitez pas à conserver votre masque dès lors que vous êtes dans un milieu clos avec des gens que vous ne connaissez pas et qui sont potentiellement contagieux". "ll n'est plus obligatoire mais il reste tout à fait possible voire recommandé de le porter dans certaines situations", a préconisé le ministre de la Santé.

Peut-on vraiment lever les restrictions ?

Lorsqu'il annonçait espérer pouvoir lever ces restrictions à la mi-mars, Olivier Véran avait évoqué plusieurs conditions à remplir pour acter l'assouplissement des mesures de lutte contre le Covid. Ces conditions s'articulaient autour du nombre de patients admis dans les services de réanimation à l'hôpital, du taux d'incidence et la dynamique épidémique.

Jean Castex a fait état d'une amélioration de la situation épidémique, lors de son passage sur TF1, mais n'est pas rentré dans le détail des chiffres. La date du 14 mars semble en revanche arrêtée, quels que soient les indicateurs à ce moment-là, à moins d'une forte reprise épidémique qui viendrait rebattre les cartes, mais qui reste peu probable, si l'on se fie à la tendance de ces dernières semaines.

Où en sont les indicateurs actuels ?

Devant le Sénat, Olivier Véran avait évoqué un objectif de 1 500 patients maximum en service de réanimation, hospitalisés à cause du Covid.

Concernant le taux d'incidence, il était de 558,6 cas pour 100 000 habitants selon les données communiquées par Santé Publique France le 4 mars, un taux qui reste très élevé mais qui observe une baisse constante, note Covid Tracker. Le ministre de la Santé avait fixé pour objectif d'atteindre un taux d'incidence se situant entre 300 et 500 cas pour 100 000 habitants.

Enfin concernant la dynamique épidémique, elle est actuellement en situation de décrue aussi. Le seuil fixé par le gouvernement de ce côté-là est déjà atteint. En effet, le 2 mars, R, qui indique le nombre de personnes contaminé par un malade, est de 0, 68. Un taux "bas et stable" qui signifie que l'épidémie recule, selon Covid Tracker, qui observe néanmoins une légère hausse par rapport aux derniers jours.
Eric Straumann - Facebook Live du 8 mars 2022

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Phil

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