Michel Naudo Pourquoi avoir organisé un débat public ?
J’ai bien entendu suivi le débat sur LCI entre les candidats à la candidature LR à la présidence de la république. J’ai eu l’impression d’assister à une réunion de ces responsables politiques face à leurs militants et c’est bien normal puisqu’ils s’adressaient avant tout et surtout aux militants et/ou futurs militants LR qui seront les seuls à voter début décembre.
Ceci explique certainement les surenchères affichées par les uns et les autres concernant les économies, la dette, le nombre de postes de fonctionnaires à supprimer etc…
Étant un libéral, j’ai aussi été frappé par l’ampleur de l’interventionnisme étatique envisagé par les candidats !
N’étant pas un militant LR, je ne me prononcerai pas sur tel ou telle ; cependant, ayant toujours voté à droite jusqu’en 2017 exclu, je pensais pouvoir retrouver un discours qui m’avait été familier auparavant. Ce ne fut pas le cas… C’est vraisemblablement dû au fait que cette droite a changé, qu’elle se « droitise », que sa vision de l’Union européenne ne correspond plus à la mienne et que l’ombre de Zemmour a plané sur ce débat tout au long de la soirée.
J’ai été en particulier stupéfait par trois choses :
La première est cette proposition de convoquer immédiatement les chefs d’États et de gouvernements de l’UE sitôt l’élection acquise, pour renégocier les traités européens ! Comme cela paraît simple et facile !
Sans rentrer dans les détails, la présidence tournante de l’UE exercée par la France du 1er janvier au 30 juin 2022 donne la faculté au président français de mettre sur l’agenda européen des sujets qui lui tiennent à cœur mais certainement pas de « convoquer » ses pairs pour renégocier quoi que ce soit ! Certes, un État membre peut demander le lancement d’un tel processus de révision mais ensuite c’est un parcours du combattant…
Pour faire court, il faut une déclaration commune des chefs d’État, puis que le Conseil européen convoque une Conférence intergouvernementale qui élaborera les textes, ensuite, s’il y a accord unanime des États, ceux-ci signeront la révision des traités puis il faudra en passer par les ratifications dans les 27 États membres…
Sarkozy avait initié le traité de Lisbonne en 2007 ; il l’avait annoncé dans son programme de campagne et avait expliqué pourquoi il fallait le faire car depuis 2005 et l’échec de la Constitution européenne, l’UE « fonctionnait » très mal sur les bases du traité de Nice. Il y avait donc urgence à réformer.
Où est l’urgence aujourd’hui ? Pour quelles raisons précises, sérieuses et impératives, faut-il réviser quels textes ?
La deuxième chose qui m’a laissé sans voix, est cette proposition de provoquer un référendum pour demander aux Français de reconnaître la primauté de la loi française sur les traités internationaux !
Sur la possibilité évoquée, de faire ce référendum en même temps que les élections législatives, j’ai un gros doute car l’article 11 de la Constitution stipule que ce référendum doit se tenir « pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées ». L’assemblée ne sera pas en session, ni même élue !
Ensuite je pose la question : que vaudra encore la signature de la France si la loi devait primer sur les traités internationaux et que l’on jette aux orties l’article 55 de notre Constitution rédigé ainsi : « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie » ?
Cela reviendrait à déclarer que tout traité international n’engage en rien la France puisqu’à tout moment une loi peut le contredire. Absurde…
La troisième chose découle des deux premières puisqu’à aucun moment, je n’ai entendu Michel Barnier, pourtant rompu aux questions européennes, réagir à ces propositions loufoques !
Dommage, car en voulant absolument donner des gages aux militants LR qui ne sont pas spécialement des europhiles, il se coupe, s’il est désigné, de l’électorat centriste qui aurait pu encore se tourner vers lui.
Une élection présidentielle se gagne au centre comme toujours depuis 1965 et c’était dès lors totalement contre-productif de nous laisser assister publiquement à cette surenchère démagogique qui aurait dû se tenir à huis clos avec les militants…