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27 octobre 2021

Présidentielle 2022

Michel Naudo

Je suis effaré d'entendre Michel Barnier déclarer qu'il aurait été plus simple de supprimer la TVA sur le gaz et l'électricité plutôt que de recourir à un "chèque inflation". Tout le monde sait qu'en politique et particulièrement en période électorale, les propositions simplistes foisonnent. S'agissant de l'Union Européenne, nous sommes habitués à entendre des discours accusant l'UE de tous les maux alors même que les décisions ou les directives en cause, sont prises par les Etats membres eux-mêmes, en accord avec le Parlement européen.
Entendre un ancien commissaire européen comme Barnier, parfaitement au fait du droit européen et qui de plus s'est illustré brillamment en conduisant les négociations du Brexit, se vautrer de la sorte avec des déclarations dignes d'un Zemmour, c'est tout simplement affligeant. Certes, il faut qu'il donne des gages aux militants LR qui ne brillent pas particulièrement par un engagement pro-européen mais tout de même !
Rappelez-vous simplement le mal qu'avait eu Nicolas Sarkozy pour faire baisser le taux de TVA dans la restauration et des mois de négociation qui avaient été nécessaires pour y arriver, face en particulier aux réticences d'Angela Merkel...
L'UE (donc les Etats membres) ayant acté le fait qu'il fallait une harmonisation des taux de TVA dans l'UE (art 99 du TCE), il est extrêmement complexe et délicat d'y toucher car la plupart du temps il faut que la proposition émane de la Commission (à la demande d'un Etat par exemple) puis un accord unanime des Etats membres est nécessaire. C'est tout sauf simple et immédiat. Les politiques regagneront en crédibilité quand ils arrêteront de prendre les électeurs pour des billes en leur racontant des histoires qui ne correspondent pas à la réalité...

26 octobre 2021

Didier van Cauwelaert

L'ECRIVAIN, LES COURGETTES ET LE PASS SANITAIRE

Niché au cœur d’un village des Bouches-du-Rhône, c’est l’un des salons du livre que je préfère. Il a été créé en 1990 à Fuveau sous l’égide d’Edmonde Charles-Roux par un passionné, Jean Bonfillon. Aujourd’hui, sa veuve Christiane et une trentaine de bénévoles continuent d’animer avec la même ardeur Les Écrivains en Provence, rendez-vous festif que le succès n’a jamais dénaturé.
Nous dédicaçons sous les platanes, en haut du boulevard Loubet où se tient le marché des producteurs locaux, et cette union géographique des maraîchers, des artisans et des auteurs stimule autant la gourmandise que l’envie de lire et d’échanger.
Cette année, après une demi-douzaine de décrets contradictoires, la préfecture a exempté du pass sanitaire les acheteurs de courgettes, de charcuterie, de miel et d’objets d’art pour l’imposer aux seuls amateurs de livres. Dans le strict respect de leur interprétation de la loi, les bourreaucrates ont ainsi exigé qu’on grillage l’espace littéraire, afin de l’isoler de la manifestation « normale », matérialisant de fait une sorte de zoo dans lequel un public trié par QR code aurait seul accès aux gens de plume, cette espèce dangereuse hautement contaminante, à leurs yeux, de par la présumée résistance du variant culturel aux mesures discriminatoires. Dans ce camp retranché d’auteurs et de lecteurs « sanitairement corrects » bagués bleu ciel façon volaille, on imagine la mine des écrivains algériens, invités d’honneur cette année, qui étaient venus au pied de la Sainte-Victoire célébrer la liberté d’expression.
Difficile de se rappeler dans un tel contexte que, le 17 juin dernier, notre chef de l’État a érigé la lecture en « grande cause nationale 2021 ». Ce n’est pourtant pas sous le patronage d’Alfred Jarry et de son Ubu roi que cet édit culturel était placé, mais sous celui de Fabrice Luchini et des Fables de La Fontaine – ce génial visionnaire des Animaux malades de la peste, qui nous raconte comment Sa Majesté le Lion, dans le but d’éradiquer une épidémie, réunit le parlement animal pour choisir une victime expiatoire. Ce fut, ne l’oublions pas, le mouton. « Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blancs ou noirs. »
Quoi qu’il en soit, nous étions bien contents, nous les fournisseurs de la grande cause nationale. Quelques mois plus tôt, le livre était encore qualifié de « non essentiel », prohibé dans les librairies closes comme dans les hypermarchés bondés, où des rubans de scène de crime en empêchaient l’approche – outrage à la littérature qui avait scandalisé toute l’Europe, et dont nous avions obtenu réparation par nos soutiens aux libraires, nos coups de gueule et nos articles incendiaires. Une page bien noire venait d’être tournée.
Et voilà que ça recommence. Mais, cette fois, le milieu culturel baisse les bras, dans l’espoir de conserver l’autorisation d’accueillir le public. Les enfermistes auraient gagné ? Pour nous « épargner » le reconfinement, ils ont imposé le tri sélectif. En nous piégeant dans nos contradictions, nos concessions, nos élans de révolte cassés par le moutonnage ambiant, ils pensent avoir eu le dernier mot.
Que faire ? Boycotter les salons du livre en privant les organisateurs, le public et nous-mêmes de ces moments d’échange si précieux ? Nous censurer au nom des libertés foulées aux pieds, par solidarité envers les professions bien plus pénalisées que nous, et nous faire ainsi traiter de brebis galeuses, de covido-sceptiques, de crypto-complotistes par les hystériques appointés des plateaux télé ? Nous sommes un certain nombre d’auteurs à nous poser ce dilemme, à chercher une solution qui ménage notre honneur, nos principes et nos scrupules. En ce qui me concerne, j’avais promis à Christiane Bonfillon que je viendrais, bien avant l’instauration du sauf-conduit médical lors de la conférence présidentielle au Grand-Palais éphémère, et j’ai tenu ma promesse.
Résultat : gros succès du marché alimentaire, mais embouteillages dissuasifs aux contrôles d’accès à la littérature, déception et agacement général aboutissant à une forte baisse de la fréquentation, pour la première fois dans l’histoire de ce festival toujours pris d’assaut. Mission accomplie pour les bourreaucrates : il suffit d’entraver l’accès à la culture pour démontrer, par la diminution artificielle de la demande, qu’il s’agit bel et bien d’une activité « non essentielle » aux yeux de la population.
Quittant quelques minutes mon stand sous surveillance policière pour aller flâner dans la zone libre du marché des producteurs, je croise une famille atterrée qui m’aborde, chargée de sacs. « On voulait vous faire signer nos livres, mais il paraît qu’on n’a pas le droit : on est venus sans pass. » M’asseyant alors sur un ballot de paille, adossé à une charrette décorative, j’entreprends de dédicacer les trente ans d’intimité que je partage à mon insu avec ces trois générations de lecteurs – les plus beaux moments de la vie publique d’un auteur, ceux qui justifient tant de mois de labeur solitaire, de doute et d’obstination silencieux, d’exclusion volontaire pour aller au fond de soi retrouver le sens de la vie et le goût des autres.
Et voilà qu’une dizaine de curieux s’approchent, que des liens se créent, que des astuces jaillissent. Une dame au vigoureux accent provençal lance à une amie : « Hé, toi, la cuèrcodée, tu ne veux pas aller m’acheter un bouquin du monsieur, comme ça, il me le signe ici ? » Je souscris, ravi. La voilà, la solution ! La signature « hors-les-murs », entre les courgettes, les saucissons et les tapenades. Mon nouveau statut : réfugié culturel au milieu des étals de bouffe. On accroche à la charrette derrière moi une pancarte aux accents magrittiens : « Ceci n’est pas un écrivain, mais un producteur d’histoires », et le tour est joué.
La meilleure façon de contourner une loi discriminatoire pour aider à son abrogation, c’est parfois de la respecter au pied de la lettre. Rappelons-nous comment Jacques Offenbach, en 1857, a vaincu par l’humour une censure grotesque lui défendant de faire chanter plus de quatre personnages en même temps sur une scène. Son ouvrage Croquefer en comporte un cinquième. Au lieu de le supprimer pour éviter l’interdiction du spectacle, le compositeur imagine que l’infortuné surnuméraire a eu la langue coupée dans un combat, ce qui le contraint à présenter son texte au public sur de grands panneaux, tandis que ses camarades de jeu chantent sa partition à la troisième personne. L’hilarité dans laquelle une telle provocation plonge le public, des spectateurs les plus modestes jusqu’à l’empereur Napoléon III, aura raison de cette mesure de restriction débile. Et le ministre qui l’avait imposée, Charles de Morny, deviendra sous pseudonyme un des librettistes d’Offenbach.
Voilà où nous en sommes arrivés, aujourd’hui : aller puiser dans un régime impérial, issu d’un coup d’État, un exemple de liberté restituée après confiscation. Mais bon, nous ne sommes pas pour autant, comme l’affirment quelques centaines de milliers d’excédés, en dictature sanitaire. « Allez voir ce qui se passe en Corée du Nord », leur ont répliqué les intraitables hygiénistes qui nous gouvernent – défense assez maladroite, avouons-le, ramenant la définition de la dictature à une question de degré et non de nature. Mais une chose est certaine : les croque-morts, les pète-sec et les pisse-froid qui nous empoisonnent la vie pour nous protéger du mal ont oublié – ou refusent d’admettre – que le rire est l’un des meilleurs moyens de renforcer nos défenses immunitaires. Le rire qui désamorce la peur, le stress, la dépression, la soumission.
« On ne plaisante pas avec la santé ! » ripostent les covidolâtres accrochés à leur nouveau credo. Un peu de patience, messieurs les censeurs. Lorsque, de dose en dose, de nouvelles vagues en variants résistants, le citoyen se sera habitué à commander sa piquouse hebdomadaire à la « Pfizéria » du coin, c’est qu’il aura été vacciné de surcroît, dans son intérêt et celui des autres, contre cet humour dangereux pour l’immunité de l’État.

Hervé Kempf (Reporterre)
Édito — Politique

Le rôle de l’extrême droite : faire oublier la crise écologique

L’attraction de M. Zemmour suscitée par les médias oligarchiques détourne l’attention des problèmes urgents de la crise écologique. La fonction de la haine contre l’islam et les migrants ? Maintenir le système actuel de privilèges. Au risque d’entrer dans une spirale incontrôlable de violence et de chaos.

Un voyageur persan en serait ébahi : comment le pays qui s’est longtemps glorifié d’être la « patrie des droits de l’Homme » peut-il glisser avec une délectation morbide vers une forme moderne de fascisme ? Comment un histrion de plateaux télé, plusieurs fois condamné pour provocation à la discrimination raciale et à la haine religieuse, peut-il se retrouver en position d’imaginer accéder à la présidence de la République ? Comment un milliardaire habile, héritier d’une fortune bâtie sur l’exploitation coloniale et coupable de corruption en Afrique, a-t-il pu donner une audience inespérée à M. Zemmour, à travers les médias qu’il avale avec un appétit d’ogre pour les transformer en relais de propagande d’extrême droite ? Pourquoi les autres médias des oligarques rabâchent-ils à longueur de colonnes et d’antennes les thèmes de l’insécurité, de l’islam, de l’identité, par la voix de journalistes serviles ?

Le voyageur informé de l’état du monde ne serait pas moins éberlué de l’ignorance qu’affecte cette clique hurlante à l’égard du problème urgent qu’affronte l’humanité en ce début de XXIe siècle : la catastrophe écologique, documentée par d’innombrables rapports scientifiques comme par l’expérience que vivent des dizaines de millions de victimes des inondations, feux de forêt, sécheresses, événements qui se répètent à une allure accélérée d’année en année. Mais les médias des oligarques, partis de droite, d’extrême droite et d’extrême centre continuent à agir et à s’agiter comme s’il ne s’agissait que d’un problème périphérique, auquel la merveilleuse énergie nucléaire saurait répondre magiquement. Fait significatif : dans leur vie même, les dominants se sentent si invulnérables qu’ils achètent à coups de millions des villas dans des zones appelées à être submergées durant les prochaines décennies.

Le secret de cette dissonance cognitive massive tient en un misérable petit secret : la cupidité — ou plutôt l’amour du « seul dieu moderne auquel on ait foi, l’Argent dans toute sa puissance », selon l’expression de Balzac. Les riches, puisqu’il faut les appeler par leur nom, tiennent à préserver par-dessus tout leur situation privilégiée. Celle-ci est étroitement corrélée avec leur impact écologique, comme vient de le montrer la nouvelle étude du World Inequality Lab qui montre que le groupe des 1 % les plus riches de la planète émettent 16,8 % des émissions de gaz carbonique, plus que les 50 % du bas de l’échelle des revenus !

À la conséquence logique qu’entraîne ce constat — il faut diminuer drastiquement la prodigalité des ultra-riches —, ceux-ci opposent une réponse butée : non ! Et divertissent l’opinion publique par tous les puissants moyens d’influence dont ils disposent, en agitant le spectre d’une invasion de migrants ou en assurant que les miracles technologiques résoudront l’épineux problème écologique qu’on ne peut tout à fait dissimuler. Les deux positions ne sont d’ailleurs pas opposées, mais se mêlent dans des proportions différentes selon la place que l’on entend assurer dans l’éventail idéologique du capitalisme autoritaire.

Pendant que le réchauffement climatique se poursuit à une cadence que rien ne semble pouvoir infléchir, comme l’indique le rapport de l’Organisation météorologique mondiale publié ce jour, « l’industrie de la sécurité » trouve ainsi dans les dispositifs anti-migrants un nouveau relais de sa croissance ininterrompue. Plus globalement, les pays riches dépensent bien plus pour renforcer leurs frontières contre les migrants, que pour aider les pays pauvres d’où ils viennent à affronter la crise climatique. Cette politique et l’excitation raciste qu’entretient une large partie de l’oligarchie ne peuvent que conduire à un avenir de plus en plus violent et chaotique.

On ne peut que le répéter : face à cette évolution mortifère, seule une politique fermement engagée dans l’écologie, dans la prise en compte de l’urgence climatique, de la sobriété, de la décroissance ouvre la voie d’un avenir pacifique et épanouissant. C’est à la faire fleurir que, modestement, mais tenacement, Reporterre œuvre jour après jour. Et qu’à court terme, dans les trois semaines qui s’ouvrent, nous raconterons la conférence des Nations unies sur le climat, dite COP26, qui se déroulera à Glasgow à partir du 1er novembre. Ces grandes conférences internationales sont souvent décevantes et semblent parfois inutiles. Elles ont cependant le mérite de rappeler que l’humanité est une, malgré ses divisions, et affronte un problème commun. De quoi se purger des replis identitaires et moroses.


25 octobre 2021

Alain Eschenlauer à l'Espace Malraux

Michel Spitz

Après des mois de privation, Alain Eschenlauer présente dans cette exposition le résultat de ses réflexions introspectives, pour la plupart réalisées pendant le confinement. Patiemment, avec application, il prend le temps de dessiner à l’encre, de poser avec attention des ensembles d’aplats de couleurs, comme des apparitions de vie au fond de boîtes de pétri. Alain Eschenlauer invite le visiteur à se questionner sur le monde, un monde tendant plus à être subi que vécu. Son travail renvoie, à la fois par le traitement mais aussi par le choix des sujets, à une imagerie connotée dans le temps, celle des encyclopédies, des cabinets de curiosité, ou encore des collections naturalistes de la fin du XVIIIème siècle.


Exposition "Têtes à têtes" au Musée Unterlinden




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24 octobre 2021

Un bel exemple de démocratie !

Marie-Laure Ruiz-Maugis

L'article 2 du nouveau projet de loi consacré à la crise du Covid a été adopté dans la soirée de ce mercredi (74 voix pour, 73 contre). Cet article, dénoncé par les oppositions de droite et de gauche, rend possible la prolongation du pass sanitaire jusqu'au 31 juillet 2022.
147 votants sur 577 députés.
Un bel exemple de démocratie !
J'aimerais rappeler que l'indemnité mensuelle d'un député s'élève à 7 239,91 € brut.
Ça autorise en effet quelques absences (on sait déjà que Coralie Dubost était hier soir au restaurant...).
Le prolongement du pass sanitaire ne changera pas grand-chose à la situation sanitaire.
Ceux qui à ce jour ne sont pas vaccinés par conviction ne vont pas se précipiter.
De même ceux qui n'ont pas fait vacciner leurs enfants.
Une société du contrôle permanent et de la contrainte, ça n'est jamais très bon signe...
"Publié en dernière minute, un amendement gouvernemental à la loi "portant diverses dispositions de vigilance sanitaire" autorise les chefs d'établissement, les directeurs d'école et ceux à qui ils donnent délégation d'accéder au statut virologique et vaccinal des élèves".
Une grande première, un truc inouï.
Il y aura peut-être des chefs d'établissement zélés et aux ordres pour aller fouiller dans le statut vaccinal de leurs élèves.
J'espère que la plupart resteront fidèles à une éthique républicaine.
Car l'école de la République, ce n'est pas celle de la discrimination.
Tant que le vaccin Covid n'est pas rendu obligatoire, l'école n'a pas à connaître le statut vaccinal des élèves.
Nous vivons décidément une époque formidable !

Jean-Pierre LUMINET revient sur le pass sanitaire

Le pass sanitaire, temporaire ? Faites-moi rire.

Lorsque dans une petite série de billets d'août et septembre je me suis élevé contre le pass de la honte avec quelque argumentation, j’avais eu des réactions très variées, allant de l’applaudissement à l’insulte. Je me souviens en particulier de commentaires non agressifs à mon égard mais quand même favorables au pass, du genre « mais enfin Jean-Pierre, pourquoi faire un tel foin, tout ceci c’est provisoire et pour notre bien, de toute façon cela va s’arrêter le 15 novembre ». J’avais rétorqué qu’il ne fallait pas « rêver du genou » et que le pass de la honte serait à coup sûr prolongé au moins jusqu’aux élections, ce qui m’a valu d’être une fois de plus traité de complotiste, de délirant, de perdu pour la science, de sénile et autres amabilités.
C’est donc à la surprise générale, complète et totale de cette gent lucide et confiante que le gouvernement a décidé très démocratiquement de prolonger l’usage du QR code afférent en étendant sa période d’utilisation jusqu’au mois de juillet 2022. Quelle stupéfaction ! Ces braves gens ne s’y attendaient absolument pas !
Je reprends pour la suite, en l’adaptant un peu, un long billet ironique d’un ami anonyme qui signe H16 des chroniques avec lesquelles je suis généralement d’accord à 90%. Chroniques qui sont d’une telle lucidité anti-gouvernementale que leur auteur est haï par l’oligarchie qui, tirant les ficelles de leurs pantins, se voit constamment démasquée dans ses turpitudes (d’où le pseudonyme H16, qui cache un haut fonctionnaire très au fait de ce qui se passe dans les officines de l’Élysée et de Bruxelles).
Qui donc, à part des crétins de complotistes dans mon genre, aurait en effet pu imaginer que ce gouvernement finirait par imposer le pass dans les activités quotidiennes, alors que notre si grand et si bienveillant Chef de l’État lui-même nous avait promis le contraire quelques mois auparavant ? Qui aurait pu imaginer un si compétent ministre de la santé faire une volte-face complète après ses discours de chafouin assurant au bon peuple peu éduqué que le pass serait limité à la fois dans le temps et dans ses applications à la plus stricte nécessité ?
Vraiment, c’est complètement inouï et totalement inattendu de la part d’un gouvernement jusqu’ici exemplaire, et de politiciens qui ont toujours su respecter leurs promesses avec une ponctualité et une régularité imparables. À leurs yeux jadis peau-de-saucissonnés, cela deviendrait-il choquant de découvrir l'impensable prolongation de ce pass, qui sépare les Français entre des lépreux irrationnels auxquels il faut rendre la vie impossible (« on les aura ces connards », dixit Macaron au Varan pas Komodo), et des obéissants raisonnables auxquels il convient d’attribuer de menus privilèges.
Distribués à la population soumise, ces pass/privilèges sont forts commodes tant ils sont, une fois numérisés, faciles à révoquer à chaque fois qu’on en aura besoin : l’épidémie repart, ou du moins veut-on le faire croire à coup de chiffres truqués ? Hop, on empêche en quelques minutes l’accès aux restaurants, aux cafés, aux musées, salles de concert, bibliothèques et autres lieux de culture.
Il reste de gros stocks de vaccins à écouler ? Hop, on invalide le pass/privilège tant qu’une piqûre supplémentaire n’a pas été faite. Etc.
Ensuite, le pass pourra facilement être relié, sous une forme ou une autre, à tout aspect de la vie sociale ou administrative que l’État et ses politiciens malins auront jugé indispensable d’encadrer fermement. Un matin, le pass vous autorisera à dépenser votre argent comme vous l’entendez. Un matin suivant, pouf, ce ne sera plus le cas parce que vous n’avez pas fait ce qu’il faut… Vous n’avez pas bien rempli votre feuille d’impôts, vous n’avez pas payé votre amende, que sais-je encore, ou simplement parce que, collectivement et avec tous les individus de votre sexe, de votre âge ou de votre classe, l’État en aura ainsi décidé.
Ah, que c’est bon de voir se profiler ce monde jadis imaginé dans les brouillards mentaux des Orwell, Huxley, Arendt et autres Anders, un monde qui devient de moins en moins flou et de plus en plus dystopique.
Certains trouveront que j’exagère. Tout ceci n’est en effet qu’une simple fiction… qui anticipe de quelques mois, de quelques années tout au plus, ce qui est en train de se mettre en place directement sous le nez des cohortes :
• de syndicats purement et simplement collaborateurs et complètement à la botte des politiciens, comme d’habitude incapables de protéger les droits fondamentaux de ceux qu’ils mentent représenter (exemple : SNCF),
• de naïfs qui refusent de croire qu’un gouvernement démocratique puisse imposer ceci à toute une population,
• d’idiots utiles qui persistent à voir dans ce pass une formidable opportunité de brandir fièrement leur smartphone dernier-cri pour montrer à quel point ils savent ramper,
• d’industriels trop heureux de se remplir les poches avec ce capitalisme de connivence sans plus aucun frein ni limite.
Eh bien non, le pass n’est pas temporaire, et tout sera fait pour qu’il perdure bien au-delà de ses enjeux pseudo-sanitaires : il y a trop d’investissements industriels derrière pour qu’il soit mis au placard. Dans un billet précédent je citais l’explication directement fournie par certains industriels qui entendent jouer un rôle actif et évidemment très lucratif pour installer ce pistage complet, permanent et universel des Français (et bien au-delà de notre pitoyable hexagone, tant la tendance se met obstinément en place au niveau mondial). L’exemple de Thalès, groupe spécialisé entre autres dans la sécurité et la défense, vient immédiatement à l’esprit, d’autant que le groupe français ne cache même pas ses ambitions de voir un jour un tel pass multi-usages déployé partout - j’avais donné le lien vers une traduction française de leur édifiant plan « marketing ».
C’est logique du reste : à partir du moment où le passeport vaccinal numérique européen était déjà dans les tuyaux depuis 2018, et où la crise sanitaire du Covid19 a été l’occasion rêvée (provoquée ?) de booster les efforts envisagés pour le déployer, il était normal que les acteurs industriels déjà engagés dans des développements sur le sujet profitent à présent de l’occasion pour pousser le plus loin possible leurs projets lucratifs et récolter la manne.
En réalité, la prolongation du pass sanitaire et son extension à tous les domaines n’a rien de surprenant, tant il s’inscrit dans un projet industriel qui recouvre à la fois le suivi médical exhaustif des individus, leur identité numérique complète (avec par exemple un remplacement des passeports et des cartes d’identité), puis de leur portefeuille, de leurs feuilles de paie, de leurs documents essentiels qui définissent toute leur vie familiale, professionnelle et sanitaire… puis politique.
L’avantage pour les industriels est énorme puisque cela leur donnera accès à des marchés publics gigantesques (un demi-milliard d’individus juste pour l’Europe), sans parler des retombées en termes d’analyse de données que cette numérisation forcenée va amener. Et si c’est un trésor dodu pour les industriels, il va de soi que c’est une méthode de pistage et de contrôle ultime pour les États prompts à encaisser les prébendes que les lobbyistes leur jettent dans les bras.
Est-ce surprenant alors que l’histoire récente et passée fourmille d’exemple de telles collusions ouvertes et profondes ? Est-ce inimaginable de voir se mettre en place de tels plans qui vont réduire les libertés des Européens à un vague souvenir sépia, alors que la crise a déjà illustré quelques édifiants exemples de collusions et de corruption profonde ?
A-t-on déjà oublié par exemple que l’Union européenne s’est fendue d’un milliard d’euros pour un remdesivir finalement avoué comme nocif ? Plus proche de nous, en France, qui se souvient du niveau de collusion entre État et entreprises privées bien introduites lorsqu’il a été question d’installer des portiques éco-taxe ? Le lobbying intense de certains industriels aurait permis la mise en place, au frais du contribuable bien sûr, de portiques qui allaient taxer d’abord les camions puis les voitures sur toutes les grandes routes de France…
Pour le pass, nous sommes clairement dans le cas d’un problème créé de toutes pièces par l’État, dont lui seul pourra apporter la solution qui lui aura été soufflée de bout en bout par des industriels à l’éthique globale plutôt défaillante, dans la mesure où la mise en coupe réglée de tout un peuple ne semble leur poser aucun souci.
On peut ainsi imaginer que les prochaines étapes, après cette prolongation du pass, incluront la découverte – ô surprise – que le pass est parfois contrefait, ou inefficace puisqu’on ne lui a pas adjoint l’identité réelle du porteur, et qu’il conviendra donc de rendre tout ceci biométrique (par exemple). La numérisation de l’identité sera une formalité. Comme un cheptel de vaches et de moutons, nous serons progressivement numérotés et pucés, avant la tonte et l’abattoir.
Rappelez-vous cependant : le projet des portiques « écotax » a finalement été abandonné. Pourquoi ? Parce que cet abandon n’avait pas été demandé « poliment ».
Eh bien, si l’on veut que le pass et ses avatars programmés disparaissent de même, il ne faut pas agir autrement.
Mais cela ne peut malheureusement passer, comme le prétendent les derniers naïfs, par les urnes et un bulletin de vote prétendûment démocratique : tous les partis politiques français, du moins ceux qui dépassent le 1% d'intentions de vote, sont corrompus. Car le but exclusif de l'exercice politique est devenu l'argent, certainement pas l'amélioration de la condition humaine.

Phil

DNA Colmar : disparition de la Péniche, haut lieu des nuits colmariennes il y a quelques décennies...



J’ai voté contre la loi « vigilance sanitaire »

Yves HEMEDINGER

J’étais présent cette semaine dans l’hémicycle, à toutes les séances, pour étudier un énième projet de loi du Gouvernement prévoyant la prorogation du cadre juridique de l’état d’urgence sanitaire du 31 décembre 2021 jusqu’au 31 juillet 2022, et de ce fait l’utilisation possible dans cette même période du passe sanitaire.
J’y ai défendu de nombreux amendements pour m’opposer à cette prorogation. Face à un Gouvernement et à une majorité LaREM sourds à tous les arguments, de tous les bancs, j’ai voté contre ce texte. Les raisons de mon opposition reposent à la fois sur des questions de fond et sur des questions de principes.
Pour les questions de fond, plus rien ne justifie aujourd’hui une nouvelle prolongation de mesures attentatoires aux libertés de nos compatriotes.
En effet, à la mi-octobre 2021, le taux de couverture vaccinale de la population vaccinée de plus de 12 ans avec un schéma complet (deux doses) dépasse les 85%. Les taux d’incidence sont de plus en plus faibles, tout comme le taux de R effectif. Il est grand temps, pour tout un chacun, de reprendre des vies normales. Plutôt que de prolonger inutilement des mesures qui pèsent sur le moral des Français et sur l’activité économique du pays, le Gouvernement serait bien inspiré d’assouplir ses dispositifs en commençant, par exemple, comme je le proposais dans deux amendements, par exclure le passe sanitaire pour les terrasses ouvertes des bars et des restaurants ainsi que pour les activités de plein air lorsqu’elles permettent le respect des distanciations sociales. Comment peut-on encore justifier que l’on puisse s’entasser sans passe sanitaire dans le métro alors qu’il en faut un pour boire un café sur une terrasse ? C’est incompréhensible.
Puis, il y a les questions de principes. Comme l’expliquait très justement mon collègue Aurélien PRADIÉ dans son discours introductif au débat et au nom du groupe LR, le danger qui nous guette est l’accoutumance. L’accoutumance aux lois d’exception, l’accoutumance aux restrictions de la vie sociale, l’accoutumance aux règles sanitaires, l’accoutumance aux mesures qui échappent au contrôle fondamental des Représentants du Peuple, l’accoutumance aux pouvoirs administratifs devenus plus puissants que les décisions politiques.
Plus notre pays s’accoutumera à cet état d’urgence permanent, plus nous perdrons une autre habitude : l’habitude de la démocratie, pleine et entière.
Si nous devions être confrontés à un nouveau pic épidémique, le régime de sortie d’urgence permettrait amplement au Gouvernement de prendre les mesures adéquates. Donc, pourquoi demander une nouvelle fois d’obtenir les pleins pouvoirs jusqu’après les élections présidentielles et législatives ? Par ailleurs, en cas de besoin, le Parlement est en session jusqu’à fin février et restera convocable à tout moment jusqu’au renouvellement de l’Assemblée nationale en juin prochain, permettant donc de prendre les mesures qui lui incombent.
Le rôle du Parlement est de contrôler le Gouvernement et non pas de donner les pleins pouvoir à un Gouvernement finissant.