Michel NAUDO
En 2014, Zemmour publiait un pavé de plus de 500 pages dans lequel il expliquait « Le suicide français ». Je l’avais lu et annoté. J’avais même publié sur Facebook mon analyse en disant que ce bouquin allait structurer le débat de la prochaine présidentielle.
Cela ne s’est pas produit car le jeu politique a été chamboulé par l’émergence de Macron et l’effondrement des deux grands partis de gouvernement, évincés de la partie à l’issue du premier tour de 2017.
Aujourd’hui, la poussière retombe et le nouveau paysage politique se met peu à peu en place.
Si Zemmour n’a pas structuré le débat en 2017, il est cependant en train de le faire aujourd’hui. Tous les candidats, via un grand tapage médiatique, sont invités à se positionner par rapport à ses propos. Il est dans une situation très confortable car en attendant sa déclaration de candidature, il vend remarquablement bien son dernier opus (La France n’a pas dit son dernier mot) qui est devenu un best-seller. S’il n’est pas candidat, il aura néanmoins réussi à polariser l’attention sur son nom en engrangeant de très substantiels revenus et en rendant sa signature journalistique et ses futures interventions télévisuelles quasiment incontournables et monnayables à la hausse.
Pour un polémiste, c’est le paradis !
Car Zemmour est un polémiste et même (reconnaissons-le) un brillant polémiste. On a besoin de ce type d’hommes dans une société car ils sont le sel qui relève la saveur du débat démocratique. L’outrance, les raccourcis trompeurs, les déclarations racistes, sont simplement des outils ou des leviers que le polémiste utilise pour asseoir sa notoriété et diffuser son discours. C’est du marketing. Cela fait partie du jeu, s’en offusquer ne sert à rien, il connait les règles et assume totalement ses propos et ses condamnations.
Zemmour se qualifie également d’historien mais sur ce point j’ai un très gros doute car si vous observez ses ouvrages, il y a très peu de références et notes de bas de pages (dans « Le suicide français » une douzaine sur 527 pages…). Prenez maintenant un livre écrit par un historien reconnu et vous constaterez que les références sont légions sans même parler de la bibliographie qui est inexistante chez Zemmour.
Ayant moi-même commis un livre sur l’histoire récente de l’Alsace (« L’Alsace malgré elle » aux éditions de la Nuée Bleue, mai 2021, https://alsace-malgre-elle.fr) et bien que n’étant pas, et de loin, un historien, j’affiche 345 notes de bas de page sur 288 pages et une bibliographie de 27 publications.
Zemmour polémiste, oui, historien, non…
S’il est candidat à la présidentielle (ce dont je ne suis pas du tout convaincu aujourd’hui), il devra « changer de costume » et adopter la stature d’un présidentiable crédible, ce qui n’est de loin pas gagné et sera même très difficile à réaliser, car pour lui, il faudra changer la forme mais aussi et surtout le fond du discours (passer de la critique aux propositions dans tous les domaines du champ politique). Ce n’est pas le même métier, ce n’est pas un travail solitaire, ce ne sont pas les mêmes moyens.
Je vais peut-être, par curiosité, me procurer son dernier ouvrage pour simplement savoir pourquoi la France n’a peut-être pas dit son dernier mot après avoir voulu se suicider…