Fabien NierengartenJe ne sais pas si c’est pareil pour vous, mais moi, j’ai abordé cette rentrée avec une énorme gueule de bois. Pas celle des lendemains de fête. Plutôt celle des veilles de jours de galère où l’on boit un coup de trop pour pouvoir surmonter les emmerdements du lendemain. Car il faudra bien s’y faire : l’automne sera chaud. Et là, rien à voir avec les bouleversements climatiques.
Oui, la fin de cette année 2021 semble vouloir se transformer en chemin de croix pour ceux qui ont juste envie de retrouver une vie à peu près normale. D’abord à cause de ce foutu virus dont on ne sait même plus s’il s’agit du millésime 19, 20 ou 21, tellement il s’est inventé de variants aux accents grecs. Mais aussi à cause de cette atmosphère générale qui ressemble davantage à celle d’un début de campagne électorale, qu’à celle d’une lutte unie et solidaire contre l’épidémie qui nous pourrit la vie depuis un an et demi.
En fait, pour parler franchement, je trouve regrettable que certains exploitent un problème planétaire de santé publique pour en faire un enjeu politicien à l’échelle nationale, faisant croire à gros coups de fake news et de pseudo scoops scientifiques, que nous vivons en Allemagne nazie ou en Corée du Nord.
Je crois qu’il serait temps que, face à cette minorité visible et bruyante, se dresse enfin la (très grande) majorité, certes discrète, mais résolue et entreprenante. Et que les prétendus « moutons » prennent enfin la parole pour dire, avec leurs mots à eux, « ça suffit ! », ou si vous préférez en alsacien, « jetzt langt’s ! ».
Que de mêêêfiance !
Souvenons-nous, il y a encore quelques mois, les Français paniquaient face au virus. Il est pour quand le vaccin ? Ils foutent quoi, nos scientifiques ? Ils servent à quoi, nos politiques ? Pourquoi pas assez de doses ? Elle est pour quand, mon injection ? Après le scandale des masques et des tests, celui du vaccin pointait déjà le bout de sa seringue. Aujourd’hui, la « potion magique » est disponible à profusion, mais une partie de la France a peur. Peur de l’inconnu et de l’incertain. Peur que des docteurs Folamour veuillent fabriquer des humains à trois bras, dotés d’antennes 5G. Ou pire encore, des moutons à cinq pattes. Restons sérieux ! Rejetons l’obscurantisme et faisons confiance à la science.
Que de mêêêcontentement !
« Pas contents, pas contents ! ». Les rues de nos villes ont résonné durant l’été des cris de milliers de manifestants antivax et anti-passe sanitaire, très vite rejoints par les traditionnels anti-tout, et même par quelques anti-rien pour qui la manif était juste l’occasion d’aérer un peu la famille. Tout ça pour une petite piqûre dans un petit bras. Sommes-nous vraiment condamnés à ce que la raison de celui qui gueule le plus fort, soit toujours la meilleure, comme pourrait le laisser croire la fable « le loup et l’agneau » ? On pourrait peut-être mettre un peu d’intelligence collective dans tout cela, vous ne croyez pas ?
Que de mêêêdiocrité !
Car pendant ce temps, le monde tourne à l’envers et la planète se meurt. Lentement mais sûrement. Notre individualisme, notre égoïsme, notre égocentrisme, notre propension naturelle à ne regarder que nos petits nombrils, font que les intérêts de chacun l’emportent presque systématiquement sur l’intérêt de tous, et nous conduisent inexorablement, tels des moutons de Panurge, vers notre propre perte. OK pour le droit à la liberté, mais quid de son indispensable contrepartie, à savoir l’obligation de responsabilité ? Notamment celle de veiller à la santé de son prochain en se faisant vacciner.
Que de mêêêpris !
En ces temps où l’accès à la connaissance via internet donne à chacun l’impression d’être, selon l’heure de la journée, sélectionneur de l’équipe de France de foot, spécialiste reconnu en analyse macroéconomique, ou encore, expert en géopolitique mondiale, il ne fait pas bon d’être un vrai médecin ou un vrai scientifique. Soupçonné de s’intéresser bien plus aux pépettes qu’aux pipettes, il est le bouc émissaire et la brebis galeuse de la crise sanitaire. On lui préfère les charlatans autoproclamés épidémiologistes et autres manipulateurs d’opinion dont regorgent les réseaux sociaux. Car, dixit nos rebelles d’opérette, « eux au moins, ne sont pas corrompus ». Très drôle !!!
Que de mêêêchanceté !
Justement, les réseaux sociaux, parlons-en. Quand on y évoque une augmentation du nombre de personnes en réanimation ou des décès liés au Covid, on devient souvent la cible de railleries ou de commentaires ironiques. Comme si la vie humaine perdait toute valeur aux yeux d’un grand nombre de nos compatriotes. Certains d’entre eux joignent même des gestes bien réels à leur parole virtuelle, en se livrant à des agressions physiques contre ceux qu’ils traitent de « collabos ». Preuve que lorsque l’ignorance côtoie l’arrogance, l’intolérance tutoie souvent l’indécence.
Que de mêêêsententes !
Quand on voit défiler ensemble, des gens aux convictions si diamétralement opposées, il y aurait vraiment de quoi devenir chèvre. La trop fameuse « convergence des luttes », bien loin de favoriser la construction d’un projet de société collectif et consensuel, finit toujours par mettre un pays à genoux.
Et si on faisait enfin émerger, non pas les sujets qui nous divisent, mais les valeurs qui nous rassemblent ? Ce serait là sans doute le plus sexy et le plus glamour des programmes pour les Présidentielles. Histoire de démontrer qu’au final nous ne sommes, ni des veaux (n’est-ce pas, mon Général ?), ni des moutons (n’en déplaise à certains), mais un peuple mature et responsable. Il y aurait là de quoi sabrer le champagne. Ou déboucher une bonne bouteille. Un Mouton-Rothschild, évidemment !