Fabien Nierengarten Il est 18h45 ce samedi 12 juin 2021. Le match de foot entre le Danemark et la Finlande défile tranquillement en image de fond sur mon écran de télé, quand subitement, j'entends la voix du reporter prononcer des mots qui auraient eu leur place dans la rubrique des "faits divers" bien plus que dans celle de l'actualité sportive. Et là, je vois un corps inanimé, allongé sur la pelouse, et des joueurs appelant urgemment une équipe médicale, les yeux emplis d'effroi et de larmes.
Le temps se fige pendant d'interminables et insupportables instants. La caméra continue à filmer ces images empreintes de douleur et de peur. Quant à la chaîne, elle persiste à les diffuser, franchissant progressivement la barrière qui sépare l'impudeur de l'indécence, allant même jusqu'à montrer la détresse impuissante de la compagne de celui qui était en train de lutter contre la mort à quelques dizaines de mètres d'elle.
De l'autre côté de l'écran, cela fait déjà de longues minutes qu'on est passé du statut de spectateur d'un événement sportif, à celui de témoin, voire de voyeur d'un drame personnel et presque intime. Une partie de nous a envie de détourner les yeux, voire d'éteindre la télé. Mais une autre partie a envie de connaître le dénouement de cette tragédie diffusée en mondovision, sans oser toutefois croire au miracle.
Celui-ci a heureusement eu lieu, grâce notamment à l'intervention rapide des secours. Pour ma part, je me souviendrai encore longtemps de cette sombre parenthèse dans cette après-midi si ensoleillée. Parce que là, on était loin, vraiment très loin du foot-fric, du foot-starlettes, du foot-paillettes.
En effet, il n'y avait sur ce rectangle vert et tout autour, que de simples êtres humains qui, au-delà de leurs maillots et de leurs drapeaux de couleurs différentes, étaient tous unis dans une même tristesse infinie. Il y avait là des sportifs de haut niveau qui se sont successivement mués en secouristes de fortune, puis en guerriers vikings pour protéger leur frère d'arme, de plusieurs millions de regards obscènes, et lui rendre hommage en l'escortant hors du stade. Il y avait là surtout, je crois, des hommes d'une très grande dignité qui, par leur comportement exemplaire, ont fait honneur au sport et à ses valeurs.