Fabien NierengartenL'eau du fleuve Amour avait bien coulé sous les ponts depuis que les yeux de Valentin avaient croisé ceux de Valentine. Elle était loin, cette soirée d'été au Macumba où elle dansait tous les soirs. Et ils étaient presque oubliés, ces premiers émois partagés sur la banquette de la Merco Benz (Benz-Benz).
Mais ils avaient décidé de passer leur amour à la machine et de le faire bouillir, pour voir si les couleurs d'origine pouvaient revenir. Et ce 14 février 2019, Valentin n'avait rien d'un saint : il a fait sa fête à Valentine. Comme autrefois. Retour au cœur de leur aventure.
Cette année, Valentin n'avait pas loupé la date. C'était déjà ça. Il s'y était même pris à temps pour profiter de l'offre "nuit des tourtereaux" dans cet hôtel dont Valentine admirait la façade à chaque fois qu'ils passaient en voiture.
Ayant de la suite (nuptiale) dans ses idées, il avait choisi le forfait "all inclusive" : dîner aux chandelles, bouteille de champagne dans la chambre et jacuzzi privé. Quand on lui parlait du prix, il répondait avec un sourire énamouré "spa donné, je sais, mais elle le vaut bien".
Que voulez-vous, c'était sa façon de l'aimer. En échange, il espérait tant qu'elle l'entraîne jusqu'au bout de la nuit et réveille en lui le tourbillon d'un vent de folie. Pour un soir, ils seraient prince et princesse. Un peu comme William et Kate. Avant de retrouver leur condition de Shrek et de Fiona, dans l’en-vert de ce beau décor.
Valentin, il était déterminé à tout faire afin que sa moitié se sente entière. Il savait que pour lui, Valentine habillerait son visage de son plus beau maquillage. Ses "peintures de luxe", comme elle le lui soufflait, quand il était au bout du rouleau et qu'elle se la jouait panthère.
Au restaurant de l'hôtel, on leur a proposé l'incontournable "dîner des amoureux". Un menu "unique". Dans tous les sens du terme. Avec des plats qui semblaient avoir été trouvés par le cuistot, dans un livre de recettes écrit par Baudelaire et Rimbaud.
En entrée, ils ont dégusté "La belle au bois dormant sur son lit de pétales roses". Un plat qui, dans le menu du jour du lendemain, devenait une simple "terrine de gibier avec salade de radis". Au dessert, c'était "Bienvenue sur le dôme du plaisir" : une cigarette russe surplombée de crème chantilly, plantée au milieu de deux boules de sorbet à la framboise. Une réalisation exclusive Jacquie et Michel.
C'est à ce moment que Valentin a dégainé son cadeau. Oh, pas grand-chose, il y avait déjà la soirée ! Juste un petit geste pour marquer le coût. Il savait bien que Cupidité n’avait jamais été la maîtresse de Cupidon. Et en disant ça, il se sentait carrément une âme de Michel Houellebecq, son philosophe préféré.
Une jolie rose a fait l’affaire. Accompagnée de ce beau poème entendu sur Nostalgie : "Elle avait de tout petits petons, Valentine, Valentine. Elle avait un tout petit piton que je tâtais à tâtons. Elle avait un tout petit menton, Valentine, Valentine. Et elle était frisée comme un mouton".
En entrant dans la chambre, Valentin s'est souvenu que la Marseillaise était devenue notre hymne national un 14 février, il y a juste 140 ans. Son jour de gloire était donc arrivé. Et quelques instants plus tard, il mugissait déjà comme un féroce soldat.
Les draps de satin parsemés de pétales de rose semblaient accueillants. Mais ça glissait grave quand il a fallu se mettre en mode Zeasy Rider pour pouvoir rugir "born to be wild". Surtout pendant que la belle susurrait "Valentin, va lentement".
Le lendemain matin, dans le doux cocon de Valentin et de Valentine, "réveil" rimait forcément avec "merveille". Oh oui, leur amour existait encore. Et c'est bien lui qui les aide aujourd'hui à vivre ou survivre. À être heureux ou malheureux, mais plus jamais seuls, toujours à deux.
Pour conclure, à l'attention de ceux qui n'auraient pas été émus par leur histoire, il y a toujours cette source d'espoir : c'est un jour de Saint-Valentin qu'a eu lieu la première implantation d'un cœur artificiel. Il en reste peut-être encore pour eux. (février 2019)