Edouard Dabrowski
La banderole accrochée sur l'une des façades bordant la place de l'Ancienne Douane attire les regards et frappe les esprits.
Lindane ? Quésaco ?
"Nappe phréatique contaminée" précise une seconde banderole, illustrée de fûts arborant la fameuse tête de mort signalant les substances toxiques.
C'est que le lindane est un pesticide perturbateur endocrinien et nerveux, très toxique, qui a été interdit pour ces raisons.
700 tonnes de ce produit ont été stockées à l'ouest de Colmar. D'après Frédéric Hilbert, « les fûts qui se situent à quelques centimètres de la nappe phréatique ont déjà commencé à la polluer. Il est ainsi interdit de pomper l’eau de la nappe dans une partie de l’ouest colmarien. La pollution se dirige vers l’Est et impacte les Colmariens. Les autorités ont décidé de recouvrir le site d’une couverture étanche. Si celle-ci permet de limiter la propagation de la pollution en évitant l’effet de ruissellement de l’eau de pluie, elle ne peut pas être une solution à long terme.
Elle a été choisie pour des raisons financières, moins de 500 000 € contre 25 M€ pour l’enlèvement des fûts (25 M€, c’est le coût du parking de la Montagne verte). »
Cette situation ne semble pas émouvoir particulièrement nos responsables politiques qui préfèrent minimiser, temporiser, voire cacher la poussière sous le tapis.
De nombreux observateurs pensent que rien ne changera, que « le monde d’après la pandémie de Covid-19 s’annonce, en dépit des discours, la copie conforme de celui d’avant » (Stéphane Foucart, Le Monde). Ou en pire !
Ainsi, le Medef considère que la relance de l'activité économique doit faire passer la question écologique au second plan ; par la voix de son patron, Geoffroy Roux de Bézieux, il prône dès à présent un assouplissement des normes environnementales ; on a assisté au retour en force du plastique à usage unique, les lobbys industriels demandent l'allègement des normes sur les pesticides et les limites maximales de résidus autorisées dans l’alimentation, voire les distances de sécurité entre habitations et zones traitées…
Pourtant, le professeur de biologie moléculaire Gilles-Eric SERALINI, contacté par l'association Tiefenbach Environnement qui milite pour la dépollution du site, est on ne peut plus clair dans sa réponse : « Un stock souterrain illégal de lindane devrait ainsi être retiré immédiatement par les autorités compétentes, avec toutes les précautions, et une enquête criminelle devrait être diligentée.
Il conviendrait de déclencher une campagne de dépistage du lindane auprès des populations les plus exposées par prélèvements de cheveux (150 €/analyse) ; un échantillon de 15 à 20 analyses permettrait de commencer à évaluer l’ampleur possible du problème.
Les dérivés du lindane et ses produits de formulations et métaux lourds peuvent se concentrer dans les lipides, donc il conviendrait de surveiller non seulement les eaux, mais aussi les productions végétales (compte tenu de la constitution lipidique des membranes cellulaires).
La situation apparaît très urgente, des responsables publics peuvent être mis en cause s’ils ne réagissent pas. »