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28 janvier 2024

Jubilatoire !

Eric Vial

Le dernier ouvrage du philosophe Ghislain Benhessa, « Le référendum impossible, comment faire taire le peuple » est absolument jubilatoire. C’est l’histoire d’un hold-up : celui de la souveraineté du peuple français et de la démocratie directe.
L’enseignant de l’Université de Strasbourg décrit un à un les mécanismes qui ont conduit au vol de cette souveraineté et au schisme qui en résulte entre le peuple et ses élites.
Le désintérêt pour la chose publique est désormais tellement profond que « 60% des Français disent comprendre, sans les cautionner, les comportements violents à l’égard des députés et de leurs collaborateurs » ; « 40% des Européens estiment que voter ne sert à rien ».
Si les faits n’étaient pas si graves, l’ouvrage serait drôle, « voter bien ou ne pas voter ». Il est parsemé d’anecdotes historiques et de renoncements intellectuels qui ne visent qu’à la création et la préservation d’une caste de privilégiés : les élus.
Le constat est forcément amer pour notre République. De la Première Constitution des Révolutionnaires qui s’appuyait sur la philosophie des Lumières à aujourd’hui, où en sommes nous ?
De l’Abbé Sieyès qui proclamait que les représentants du peuple ne devaient « jamais être nuisibles à ses commettants » aux multiples passages en force par le 49.3, où en sommes-nous ?
De la volonté des constituants de la Vème République qui considéraient « qu’en période de tumulte, le dernier mot doit revenir au peuple dont la souveraineté rend la consultation obligatoire » à la « trahison du Traité de Lisbonne » alors que les Français avaient dit « non » à l’Europe par référendum en 2005, où en sommes-nous ?
Bref, le peuple considéré comme ignorant pour lui-même des affaires qui le concernent, est cadenassé, bâillonné, méprisé. Il n’a plus son mot à dire. « Le mal se loge dans le gouffre qui sépare le peuple de la décision prise par ses représentants. »
De l’Europe au Conseil Constitutionnel, à l’Assemblée Nationale en passant par l’Élysée, Ghislain Benhessa arpente comme un fin limier tous les lieux du détricotage de « la souveraineté par le peuple et pour le peuple ».
Le docteur en droit ne donne pas les solutions pour se sortir de ce marasme démocratique, mais il met très clairement des mots sur des maux, pointant les incapacités des différents présidents de la République après de Gaulle, à « prendre leur responsabilité » lorsque la souveraineté populaire s’exprime.
Benhessa conclut cette démonstration éloquente par : « qu’on ne s’y trompe pas, le placement sous tutelle du référendum va de pair avec la mise à mort du destinataire de la question : le peuple ».
« Le Référendum impossible » aux éditions de l’Artilleur est à lire absolument.