Je découvre les images des émeutes et des agressions à Strasbourg (et ailleurs). Je suis horrifié. Je condamne fermement. Et pourtant, j’ai toujours eu une âme d’adolescent politisé.
Quand j’imaginais la révolution, dans mon âme pure et sans doute naïve de gosse, j’imaginais un jour un soulèvement populaire pour un monde meilleur, plus équitable, plus respectueux de la nature ; pour l’abolition des privilèges ; la liberté et le progrès de la Société. Je rêvais d’une prise de conscience collective, d’une jeunesse éduquée et intelligente, de l’élévation d’une classe (dont je me reconnais) .
Mais à aucun moment, je n’avais imaginé que ceux qui porteraient la révolte, sous prétexte de lutter contre l’injustice, pilleraient des Apple Store, des boutiques Lacoste, Zara ; incendieraient des écoles, des mairies ou des médiathèques ; dégraderaient un mémorial de déportés ; brûleraient des voitures de salariés ; détruiraient ce que la solidarité des citoyens a donné par leurs impôts ou les cotisations liés au travail ; attaqueraient des pompiers ou des forces de l’ordre en se marrant de leurs méfaits.
Non, à aucun moment, je ne l’avais imaginé. Mais je dois me faire vieux, « je ne dois pas avoir la ref’ ».
Frédéric Dard, l’auteur de San Antonio disait : « Les cons gagnent toujours, question de surnombre ». Je pensais que c’était de l’humour.
Ceux qui sont responsables du maintien de la cohésion nationale ont-ils failli ? Ils semblent découvrir dans leurs déclarations l’ampleur de la fracture entre les classes sociales et de l’inculture dramatique d’une partie de la jeunesse : sans conviction ni valeur. Soit ces responsables politiques mentent (ce qui aurait pour effet de propager encore davantage de colère), soit effectivement ils sont complètement déconnectés de la vie réelle et du quotidien des Français.
Je ne crois pas qu’il faille en vouloir aux parents, je suis assez d’accord avec la philosophie de Jean-Jacques Rousseau dont la vie a été marquée par l’errance : les enfants appartiennent à tous, à la collectivité.
Par peur de ce qu’on pourrait penser de nous, par individualisme aussi, nous avons laissé faire sans réprimander, sans jamais nous interférer. Nous sommes, je crois, tous responsables de ces gosses de notre république. Encore faut-il qu’eux et nous en ayons conscience.
Notre incapacité à faire drastiquement appliquer les principes de la laïcité à la française dans les entreprises publiques est bien la preuve de la déliquescence de nos valeurs cardinales face à la loi. À force de reculer sur nos socles communs, ceux qui fondent une Nation, on finit par tomber.
Pour autant, toutes ces jacqueries qui se multiplient et se suivent ne sont pas des hasards : les Gilets jaunes, les manifestations dures et longues contre la réforme des retraites, et maintenant les émeutes dans les banlieues. C’est aussi un terreau pour l’avenir de la France.
Les confinements liés au Covid-19, l’inflation galopante notamment sur les produits alimentaires, sont aussi des vecteurs de paupérisation des populations des quartiers sensibles. Depuis les émeutes de 2005 la situation s’est largement dégradée.
De la même manière elle s’est dégradée dans les zones rurales. Les villages et les territoires isolés n’ont pas bénéficié de toute l’attention et de tous les dispositifs et infrastructures attribués aux quartiers. Pire, les services publics sont partis, laissant un énorme désarroi dans la population. L’inégalité républicaine et la disparité entre les territoires s’est accrue.
Et je ne parle même pas de l’accès à la santé… Comme l’écrit Alexandre Devecchio dans son livre « Les Enfants du Siècle », la problématique pour résoudre la fracture sociale est double.
Ce n’est pas faute que les associations, les collectivités territoriales, l’éducation nationale, et même les pouvoirs publics n’aient prévenu… Tout le monde savait « qu’il suffirait d’une étincelle ».
Sans jouer les Cassandre, chacun sait désormais comment tout cela va politiquement se terminer…
Advienne que pourra.