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10 février 2022

Paul Klee / HEB'DI

Le Grand Est, un modèle d’hypocrisie politique

À question simple, «l’Alsace doit-elle sortir du Grand Est pour redevenir une région à part entière ? », réponse claire : oui ou non. Dans une démocratie respectueuse des citoyens nous verrions deux équipes face à face, l’une faisant campagne pour le oui et l’autre expliquant les raisons de voter non. Or, dans la consultation populaire organisée par la Collectivité européenne d’Alsace (CEA), on n’entend que des partisans du oui énumérer l’interminable liste de défauts de l’institution régionale.

On s’attendait donc à une contre-offensive des partisans du maintien du Grand Est (GE) venant vanter les bénéfices qu’apporte la suppression de la région Alsace et sa dilution dans une maxi-région. Or, aucun défenseur ne s’est manifesté, même parmi les nouveaux convertis, élus en 2021, qui avaient longtemps milité pour qu’on nous rende l’Alsace et qui ont découvert, sur le tard, les vertus du GE. Les citoyens seraient pourtant heureux de comprendre leurs raisons et pourraient même se laisser séduire par certaines.

L’observateur se perd en conjectures. Il entend certes la rumeur populaire qui marmonne sur un ton désabusé que ces « retournements de veste » seraient dus au seul attrait du mandat. Rechignant à suivre cette opinion un peu courte, quoique très répandue, il a interrogé quelques sociologues et politistes qui ont avancé deux hypothèses.

La plus réaliste est que les pro-GE n’ont tout simplement aucun argument audible pour défendre la réforme Hollande-Valls de 2015 car, à compétences et ressources inchangées, l’extension de la dimension géographique d’une région n’apporte aucune valeur ajoutée tout en créant d’évidents handicaps. Même les cabinets de communicants, dont la région fait grand usage, n’ont pas su trouver d’argumentaire. La consultation populaire apporte ainsi, en bonus, une démonstration absolue et éclatante: ils n’ont aucune justification à produire devant le peuple !

La seconde explication est que les dirigeants du GE n’ont surtout pas envie que leurs soutiens soient comptés car ils savent que, statistiquement, le oui sera majoritaire, probablement au niveau des deux tiers affichés par tous les sondages depuis six ans. Ils peuvent même craindre un chiffre supérieur puisque les partisans d’une Région Alsace sont probablement davantage motivés à voter que les adversaires de la sortie du GE, dont le nombre est tombé de 33% à 27% (sondage IFOP de novembre 2021).

Ceci fait exploser la propagande selon laquelle le succès de la majorité aux élections régionales de 2021 mettrait un terme au débat sur le devenir institutionnel de l’Alsace. Leur victoire n’ayant été acquise qu’avec moins de 14% du corps électoral, cela aurait mérité un peu plus de modestie, d’autant que durant la campagne électorale ces candidats n’avaient parlé que de l’Alsace, sans piper mot sur le Grand Est bien conscients de son image de repoussoir. Au demeurant, selon la loi, les conseillers régionaux ont pour fonction de s’occuper des lycées, des TER, de l’aide aux entreprises, etc., et non d’être les thuriféraires d’une réforme législative dont ils ne sont pas les auteurs.

L’observateur a ici un autre sujet d’étonnement. Comment se fait-il que les chantres les plus enthousiastes du Grand Est et ceux qui ont les propos les plus querelleurs vis-à-vis de la CEA et d’une région Alsace sont des élus alsaciens qui, de surcroît, avaient d’abord rejeté la réforme régionale ? Et comment expliquer que tant d’autres élus leur fassent moult courbettes (avec le formulaire de demande de subventions à la main cela vaut pardon) ? Peut-être est-ce cela aussi l’âme alsacienne, dont il faudrait relire la célèbre psychanalyse faite par Frédéric Hoffet.

Car les pro-Grand Est ont fini par monter une stratégie en choisissant une manœuvre de contournement visant à délégitimer la consultation populaire en tant que telle et à décrédibiliser ses résultats en distillant des arguments spécieux et emberlificotés. Il n’y aurait pas de garanties suffisantes puisqu’on ne contrôle pas l’identité des votants alors qu’un huissier, et lui seul, procédera à des vérifications. Ce ne serait pas le bon moment, alors que sont en vue des élections nationales où ce sujet va se jouer, puisqu’il faudra une loi pour changer le statut de la CEA. Et en même temps, celui du Grand Est ; le site informatique pourrait être piraté, … comme tout autre aujourd’hui ; les dépenses de la CEA seraient « dingues », alors qu’elles restent dans le budget habituel du service communication et que le Grand Est est mal venu sur ce terrain, lui qui dépense des sommes folles pour essayer de fabriquer de factices identité et culture grand-estiennes. Plus sot encore, que ce serait un « affront » pour les départements voisins alors que les Lorrains et Champenois ne se retrouvent pas non plus dans ce méga machin du Grand Est, de sorte, que dans la réalité profonde des populations concernées, les Alsaciens travaillent aussi pour ces voisins.

Ces dirigeants politiques sont-ils conscients d’exprimer ainsi du dédain pour les femmes et hommes qui font le geste citoyen de voter ? Du mépris pour la démocratie participative, dont l’élu municipal de Mulhouse se présente en pionnier depuis de nombreuses années mais que le président de la région refuse de pratiquer lorsqu’une autre collectivité invente un modèle original ?

Appeler au refus de voter est, sous toutes les latitudes, le stratagème de ceux qui, d’avance, se savent battus et qui se réfugieront ensuite dans des commentaires fielleux sur les résultats.

Ne nous réjouissons cependant pas trop des faiblesses du Grand Est. La perte de crédibilité que subissent ses dirigeants, au vu de la déontologie politique très fluctuante dont beaucoup font preuve, n’est bénéfique ni pour la bonne marche de nos institutions, ni pour la vie démocratique. Une structure absurde avec une gouvernance démonétisée n’est pas notre avenir. Il faut donc les changer. Au plus vite !

Participez à la grande consultation citoyenne !
Il est nécessaire de voter pour donner sa voix à la région Alsace, et de la partager massivement autour de vous.
Cliquez sur l’image du lien pour voter.