Il y a 80 ans, des œuvres d’Otto Dix et celles de dizaines d’autres artistes, étaient exposées à l’Institut archéologique de Munich. Non pas pour les mettre en valeur, mais pour permettre au public de les comparer aux dessins d’enfants et aux tableaux réalisés par des personnes handicapées mentales, qui étaient présentés juste à côté. L’objectif des autorités nazies était alors de stigmatiser les prétendues "dérives" de l’art moderne.
Cette mise en scène particulièrement glauque s’est cependant retournée contre ses instigateurs : juste avant que Goebbels ne mette brutalement fin à cette exposition, plus de deux millions de visiteurs s’étaient précipités pour la voir. Ils étaient trois fois moins nombreux pour celle organisée en même temps, avec des artistes dits "officiels", dans la clinquante "Maison de l’Art allemand".
C’était l’époque où le talent d’Otto Dix était assimilé à de "l’art dégénéré", par opposition à "l’art héroïque" encouragé par les dirigeants nazis. Il est vrai que dans les œuvres de Dix sur la guerre, point de corps athlétiques dignes de gladiateurs romains, mais des soldats mutilés et des cadavres déchiquetés. Dans ses tableaux, point de bâtiments ou de réalisations prestigieuses, mais une nature ravagée et ensanglantée par les atrocités guerrières. (...)