LES ECHOS
Édito de Jean-Marc Vittori
Publié le 29/07/2019
Les excès du tourisme
De nombreuses métropoles européennes réagissent face à un afflux non maîtrisé de touristes, qui génère trop de nuisances. Cela marque une rupture avec une période où l'on recherchait à attirer toujours plus. Et cela implique de trouver un nouvel équilibre en inventant le tourisme de demain, moins concentré sur certains sites.
Dubrovnik est un chef-d'oeuvre en péril perpétuel. Nichée sur la côte croate, l'ancienne Raguse a été frappée par un tremblement de terre en 1979, qui raviva le souvenir du séisme qui la ravagea au XVIIe siècle. Les quatre cinquièmes de ses bâtiments ont été touchés par des obus lors du conflit qui accompagna la dislocation de la Yougoslavie, entre 1991 et 1993. Un incendie entoura la cité médiévale en 2007.
Aujourd'hui, un mal plus pernicieux la ronge : le tourisme de masse. Le nombre de visiteurs a explosé, dopé par l'essor des croisières et le succès planétaire de la série vidéo Game of Thrones (les scènes de la fameuse capitale du royaume des Sept Couronnes, Port-Réal, y ont été tournées). Fin 2016, l'Unesco a menacé la ville d'être expulsée de sa liste du patrimoine mondial, lui intimant de limiter le nombre de visiteurs à 8.000 par jour. La municipalité est allée plus loin, abaissant la barre à 4.000.
La perle de l'Adriatique est loin d'être la seule à souffrir du surtourisme. Venise avec les paquebots géants, Barcelone avec les foules envahissant ses Ramblas… et Paris aussi, où le Louvre a battu son record en accueillant à lui seul plus de 10 millions de visiteurs l'an dernier. L'approche des élections municipales échauffe les esprits, avec des polémiques qui enflent ici sur les logements AirBnB ou là sur les cars de tourisme.
Il va falloir trouver un nouvel équilibre. Longtemps, pays et villes ont tout fait pour attirer le plus grand nombre possible de visiteurs. Leurs efforts ont parfois payé au-delà de leurs espérances. L'essor des classes moyennes dans les pays émergents, l'efficacité toujours plus grande des professionnels du secteur et les bousculements induits par le numérique ont amplifié les flux. Mais le maximum n'est pas l'optimum. Au-delà d'un certain seuil, les effets négatifs l'emportent sur les effets positifs. Vient alors la tentation des mesures idiotes.
Pour trouver le nouvel équilibre, il faut s'efforcer d'avoir une vision d'ensemble des avantages (activité supplémentaire, création d'emplois, animation) comme des inconvénients (congestion, pollution, éviction des habitants). Il faut décider seulement après, en recourant à la palette des outils possibles (réglementations en tout genre, voire taxation). Il faut surtout imaginer. Il est sans doute possible d'accueillir davantage de touristes dans de bonnes conditions pour tout le monde à condition d'étaler les flux dans le temps et surtout dans l'espace. Avec des centaines de musées, des milliers de châteaux, une formidable diversité de sites naturels, la France a des atouts indéniables pour inventer le tourisme de demain. Reste à savoir les jouer.
Jean-Marc Vittori