L’éditorial de Dominique Jung
DNA du 12 décembre 2018
Deuil de Noël
Qui veut commettre un attentat peut le faire aisément. Le terrorisme isolé ne nécessite pas de gros moyens. Mais il fera des dégâts considérables. C’est ce qui s’est tragiquement passé le 11 décembre à Strasbourg.
Le tireur n’a même pas cherché à éviter les mesures dites « de sécurité », pieusement multipliées au centre-ville depuis quatre ans, qui ne trompaient personne, embêtaient les braves gens et, au moment fatidique, se sont révélées vaines.
L’homme aurait pu tuer n’importe où, à la gare SNCF par exemple, qui est hors des check-points, mais il a choisi de défier les contrôles avant de commettre ses crimes tout près de la cathédrale et de s’enfuir malgré les patrouilles policières et militaires.
Les barres de béton et autres obstacles posés au sol peuvent arrêter un camion-bélier, pas un homme déterminé dont la foule paisible est la meilleure protection avant d’être la cible.
La consternation s’est abattue sur ce marché de Noël célèbre dans le monde entier, qui appartient à l’identité de la ville et qui, à cause de cela, a fasciné un tueur. Le terrorisme est rusé. Il se sert des images les plus évidentes pour les manipuler.
Le World Trade Center à New York, un feu d’artifice à Nice, une modeste messe du matin dans une église normande, la salle de rédaction d’un journal, un commerce identifié comme juif, ce sont autant de symboles cyniquement sélectionnés auxquels s’ajoute maintenant la malheureuse ville de Strasbourg, victime de son statut de « capitale de Noël ».
Notre époque tourne au cauchemar. La religion détournée de ses buts premiers devient un exhausteur des passions les plus troubles. La préparation du 25 décembre, fête familiale par excellence, peut tourner au drame tout comme le mois de ramadan a, ces dernières années, donné lieu à des attentats à la bombe en plusieurs pays musulmans.
Le sang répandu est là pour décupler l’horreur, la colère et la division. C’est ce piège de la division qu’il faut éviter. L’Alsace en deuil doit se rassembler autour des familles plongées dans le malheur en ce mardi où chaque habitant de Strasbourg comprend qu’il aurait pu, lui aussi, se trouver près de la place Kléber, à portée de tir d’un assassin.