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16 novembre 2018

Isabelle Kieffer

Le concept du ressenti

Voilà, il fait +3° sous abri mais il souffle une bise glaciale et ça tombe à -7°. Et vous grelottez pour de bon. C’est « un ressenti » qui ne relève ni de l’imaginaire, ni du fantasme ni de la grogne systématique.

La période des marchés de Noël à Colmar c’est un sacré ressenti qui aggrave encore celui de tous ces mois où les Colmariens subissent le flux touristique du centre-ville avec un vague répit de plus en plus rétréci en Janvier-Février.
Si on peut décider de ne plus se rendre au centre on survit tristement, dépossédé de sa ville, ça fait le bonheur des commerces de la périphérie. Si on y travaille, c’est une autre chanson, car s’ajoutent les mesures de sécurité bloquant tous les accès.

Alors quel est le ressenti de l’infirmier qui annonce à ses patients âgés du Quai de la Poissonnerie que pour les soins ce ne sera plus 10h mais 7h puis fait une grande partie de sa tournée à pied, accumulant les retards et la fatigue, quel est le ressenti du professeur de gymnastique à domicile qui laisse sa voiture chez des amis près du Grillenbreit, enfourche un vélo, y fixe son énorme sac rempli de matériel et le pousse en fendant la foule (pas question de rouler) tout en priant qu’il ne soit pas volé, quel est le ressenti du responsable d’une petite agence bancaire qui chaque soir doit remonter vers l’avenue de la République avec des sacoches que le fourgon habituel ne vient plus chercher faute de pouvoir stationner, quel est le ressenti des médecins chez qui certains patients lourds ne peuvent plus se rendre, quel est le ressenti du conducteur de VSL perdant les clients qu’il amenait régulièrement ici ou là, celui du livreur qui ne sait plus à quel saint se vouer, celui de l’agent immobilier qui ne peut plus faire visiter des biens, celui du résident du centre qui possède ou loue (cher) un garage et ne peut y accéder ? La liste pourrait être longue, je me fais l’écho de ce que j’entends.

Mesures de sécurité incontournables certes.

Mais alors pourquoi ne pas limiter l’étendue de ces marchés dans l’espace et le temps : faut-il vraiment que pour des raisons commerciales autant de places, carrefours, rues soient voués aux chalets, manèges et stands divers de 10h à 19h ? Faut-il vraiment que cela s’étale sur une période si longue ? De la Saint-Nicolas à la Saint-Étienne ça suffirait largement, non ?

« La magie de Noël » : comme ressenti pour le Colmarien, c’est plutôt un chemin de croix.